Il y a 150 ans naissait Chesterton - France Catholique
Edit Template
Marie dans le plan de Dieu
Edit Template

Il y a 150 ans naissait Chesterton

Copier le lien
Gilbert Keith Chesterton (1874-1936).

Gilbert Keith Chesterton (1874-1936).

Il était né le 29 mai 1874 à Londres. Il faut évoquer un géant dans tous les sens du terme. Comme Chesterton prisait la plaisanterie, on peut rappeler que, lorsqu’il se levait de son siège dans un bus londonien, c’était pour laisser place à au moins trois dames debout… Mais du colosse, il avait d’abord le formidable appétit de vivre, et surtout de vérité intellectuelle. Doué pour l’écriture à un degré supérieur, il s’inscrit au sommet de la littérature anglaise de son temps, reconnu tel par tous ses pairs, y compris les plus opposés à ses convictions.

« Les enquêtes du Père Brown »

Pour moi, Chesterton évoque d’abord un souvenir d’enfance. Tout petit, mes parents m’avaient abonné au magazine Bayard, publié par les éditions de la Bonne Presse, du nom du chevalier sans peur et sans reproche. Chaque semaine, je pouvais y retrouver Les Enquêtes du Père Brown, ou peut-être même du Father Brown. Je ne saurais dire si le texte avait été adapté à l’usage du jeune public. Nous n’en étions pas moins passionnés par ces histoires de roman policier, où un étrange petit prêtre parvenait, d’un sûr instinct, à démêler les énigmes les plus déconcertantes. C’est plus tard que j’appris à connaître bien d’autres ouvrages de l’écrivain, mais ce n’était pas une mauvaise introduction à l’œuvre que de s’être passionné pour ce détective du bon Dieu, qui dépassait la sagacité géniale d’un Sherlock Holmes. François Rivière, auteur d’une excellente biographie – Le Divin Chesterton, Rivages – m’a d’ailleurs appris que « parmi les premiers fans du Père Brown », figurait Alfred Hitchcock, le futur cinéaste de L’Homme qui en savait trop, titre très chestertonien.

Mais chez cet écrivain singulier, rien n’est jamais gratuit, et le genre policier qu’il affectionnait ne met pas pour rien un prêtre en scène dans un rôle si singulier par rapport à son ministère. Comme l’écrit encore François Rivière, « à travers les exploits du Père Brown » se révèle « la présence obsessionnelle du dogme chrétien ».

Brown renvoie, en effet, à un prêtre bien réel, le Père John O’Connor, qui a joué un rôle essentiel dans l’évolution spirituelle de celui qui, après une longue maturation, a fini par adhérer à l’Église catholique, d’anglican qu’il était. Les interminables conversations entre l’écrivain et le prêtre sont pour le premier l’occasion de rentrer dans toute la profondeur d’un ministère ecclésial. L’aumônier de prison a une connaissance sans pareille des tréfonds de l’âme humaine, jusque dans leur plus extrême noirceur. De là à imaginer le confesseur sous les traits d’un Father Brown, il n’y faut que le génie de Gilbert Keith Chesterton : « En créant un petit prêtre catholique à l’allure pataude mais en vérité doté d’une science théologique aiguë et d’une rouerie sans pareille, le tout sur fond de bon sens populaire, Gilbert accomplit une merveille. »

Les artistes de Lascaux

Pour autant, il ne faudrait pas croire que notre écrivain s’est contenté de l’exploration des ténèbres pour une investigation de ce mystère qu’est la nature humaine. À ce propos, il convient de recommander ce chef-d’œuvre que constitue L’homme éternel, composé de deux volets, le premier intitulé Cet Animal qu’on appelle l’homme, le second L’Homme qu’on appelle le Christ. C’est l’occasion pour le penseur d’exprimer son insatisfaction à l’égard de l’évolutionnisme alors en plein essor. L’homme primitif n’a rien d’un singe évolué, c’est déjà l’artiste qui s’exprime sur les murs de Lascaux. L’homme est le plus extraordinaire des miracles et il est le fruit d’une accumulation de miracles. Et c’est bien pourquoi à un tel miracle peut s’ordonner la Révélation chrétienne, avec l’apparition de cet homme qu’on appelle le Christ.

On ne saurait évoquer Chesterton sans citer son maître-ouvrage : Orthodoxie. Il y témoigne de la vigueur de sa foi, présentée comme l’accomplissement d’une recherche personnelle. Un livre foisonnant d’idées, à l’image de cette âme singulière, d’une incomparable agilité. Lire Chesterton encore aujourd’hui, c’est s’épargner les fausses routes où l’on se perd trop souvent. Et retrouver ainsi la splendeur chrétienne.