Fondée en 615, l’abbaye de Faremoutiers, en Seine-et-Marne, abrite aujourd’hui 25 sœurs. Les moniales y poursuivent leur vie religieuse jusqu’au bout, en bénéficiant des soins et de tout l’accompagnement dont elles ont besoin dans le cadre d’un EHPAD intégré dans le monastère. La fondatrice de ce lieu est sainte Fare, femme douce et forte, dont le charisme pour guider ses moniales vers la paix du cœur est toujours vivant. Sous sa conduite, Faremoutiers devient un lieu de ressourcement spirituel en vue de la vie éternelle. Dans la confusion des débats actuels sur la fin de vie, nous voulons apporter notre témoignage.
Changer de regard sur la vie, sur la mort…
L’heure dernière, le kairos pour chaque personne, est un rendez-vous qui se prépare tout au long de la vie d’une moniale. En effet, saint Benoît, dans sa Règle, nous invite à « avoir tous les jours la mort devant les yeux », non par esprit morbide mais pour se souvenir que tout ce que nous vivons est une préparation lointaine à la Grande Rencontre. La condition essentielle du bien vieillir : poursuivre son chemin de vie selon son choix. C’est l’âme de notre projet à l’abbaye.
Nous voulons vivre, jusqu’au bout, la vie fraternelle, la vie liturgique et la méditation de la Parole. Nous adaptons l’activité de chacune à ses capacités car il est essentiel et bienfaisant pour les sœurs âgées de pouvoir continuer à participer par des petites tâches ménagères, par le jardin potager thérapeutique, l’artisanat et le chant, à la vie du monastère. L’accompagnement qui est vécu à l’abbaye passe par la vie communautaire. C’est la communauté qui est thérapeutique ! Chaque fois que nous accueillons une nouvelle sœur, nous embrassons avec délicatesse son histoire, ses souffrances, ses maladies. Nous marchons avec elle et nous nous accueillons mutuellement dans la compassion et la miséricorde.
Dans le quotidien qui nous prépare au grand rendez-vous, chacune chemine et grandit sur la voie du pardon, de la libération de la peur ou de la colère. Le sacrement de Réconciliation est particulièrement précieux car le manque de pardon génère beaucoup d’angoisse et de stress dans l’avancée en âge. Une attention est portée à la médiation familiale ou communautaire pour apaiser les blessures de l’histoire de vie.
Vers la Vie céleste
Notre mission est de redonner à la mort sa juste signification : un passage de la vie terrestre à la Vie céleste ! Nous sommes faits pour le Ciel, notre destinée ultime, la grande attente de notre cœur.
L’Ennemi a réussi à faire de la mort cette chose violente et morbide que nous présente notre société, et les médias véhiculent ce message angoissant. La réalité de ce que nous vivons au moment du passage de nos sœurs est bien loin de cette tristesse. La séparation est une souffrance mais elle s’accompagne de la joie de l’entrée de nos sœurs dans l’éternité.
Ce qui se vit dans les monastères lors du retour à Dieu d’une moniale est paisible et partagé par toutes librement : chacune, dans les dernières heures, peut passer avec elle le temps qu’elle veut. Les soignants prennent le relais pendant les offices. Le moment est empli de prière et de sérénité.
Le soutien des sacrements
Nous recourons à tous les soutiens offerts par l’Église. Le sacrement de l’Onction manifeste la tendresse divine, et signifie qu’à l’approche de la mort, Dieu est présent. L’Onction des malades guérit toujours. Si ce n’est le corps, elle guérit le cœur : elle apporte la paix, la force, elle aide à faire les derniers choix de l’amour avant le passage. Le sacrement rend la santé spirituelle. Le viatique porté par le prêtre est le Pain de la route.
Dans la prière, la Vierge Marie, saint Joseph, saint Michel, les saints patrons, l’ange gardien sont convoqués au lit de la sœur mourante. Nous sommes dans la communion des saints à l’heure dernière. C’est déjà un coin du voile qui se soulève et une grande paix s’installe.
Les souffrances qui peuvent parfois accompagner la mort sont comme des souffrances d’enfantement. Nous faisons le nécessaire pour les soulager autant que possible. Cependant, face aux propositions de sédation profonde et continue et d’euthanasie, nous pouvons témoigner de l’importance de ces moments de vie. La mort est un moment à vivre où il se passe beaucoup de choses essentielles. Nous souhaitons donc mourir éveillées, être présentes à cette grande rencontre avec notre Père.