« Osez dire ce que vous pensez de cette loi ! » : l'appel de Jeanne-Françoise Hutin - France Catholique
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« Osez dire ce que vous pensez de cette loi ! » : l’appel de Jeanne-Françoise Hutin

Jeanne-François Hutin, fondatrice de la Maison de l’Europe de Rennes et de Haute Bretagne et officier de la Légion d’honneur, s’oppose au projet de loi sur la fin de vie. À 85 ans, elle ne cache pas ses coups.
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© Philippe Lissac / Godong

Votre annonce dans Ouest-France a fait grand bruit : vous rendrez votre Légion d’honneur en cas de vote du projet de loi sur l’ « aide à mourir »…

Jeanne-Françoise Hutin : Cette loi est inadmissible car toute personne a droit à être respectée et infiniment chérie. Il y a quatre jours, une dame toute tordue, qui marchait avec deux cannes et qui avait entendu dire que je rendrai ma Légion d’honneur pour protester, est venue me voir. Elle m’a dit : « Madame, vous avez eu raison, parce que quand ils me proposeront la mort, je ne saurai pas comment leur dire non ». Cela m’a fait froid dans le dos. Ce sont les gens les plus démunis, les plus pauvres, les plus abandonnés, qui vont « bénéficier » de ce « traitement » qu’est l’euthanasie ou le suicide assisté. C’est absolument contraire à tout principe éthique que de donner la mort à quelqu’un, sous prétexte qu’il va mourir ! D’autant que ceux qui demandent à mourir le font car ils pensent qu’ils ne servent plus à rien, qu’ils sont un poids pour leurs enfants, etc.

En annonçant ma volonté de rendre ma décoration, j’ai voulu faire un coup. Mais désormais, je veux appeler tout le monde à oser dire ce qu’ils pensent de cette loi : écrivez à votre député, à votre sénateur, car la loi est entre leurs mains ! Osons en parler ! Car personne n’ose le faire. Ce n’est pas une question d’être pour ou contre Macron, ou pour ou contre tel parti : c’est une question de principe, de conscience. C’est même un enjeu anthropologique, puisque nos sociétés se sont toujours bâties sur l’idée du « Tu ne tueras pas » ! J’ai bien conscience que beaucoup de personnes ont vécu la mort douloureuse d’un proche au point d’être ébranlées dans leurs convictions. Mais il faut garder à l’esprit qu’il s’agit d’un enjeu de société.

Depuis, le projet de loi a vu ses verrous sauter les uns après les autres en commission à l’Assemblée…

Selon moi, le cœur de la question n’est pas de s’opposer à tel ou tel élargissement de l’espace dans lequel on pourra donner la mort. Il s’agit de s’opposer en objectant un refus de principe. Ce principe, il dépasse de beaucoup les politiques : il concerne l’Homme, à qui la vie a été donnée.  Depuis le début du monde, on essaie de la protéger ! S’autoriser à arrêter cette vie, c’est perpétrer un crime contre l’humanité. Le rôle des soignants, des familles et des sociétés est d’atténuer la souffrance, pas de faire disparaître la vie.

Quel regard portez-vous sur le délit d’entrave, qui a fait son apparition lors de cette commission ?

C’est effroyable. Nous avons une conscience et ce délit revient à l’empêcher de s’exprimer. Or, personne n’a le droit de toucher à notre conscience, puisqu’il s’agit de ce qu’il y a de plus profond en nous.

En quoi placez-vous votre espérance ?

Je crains que ce ne soit joué d’avance car les quelques députés que j’ai rencontrés récemment m’ont dit : « Cette loi est abominable, sauf pour… » Ils n’ont rien compris. Dire « sauf pour » revient à faire sauter l’idée même de principe. On m’a dit que j’allais peut-être faire un coup d’épée dans l’eau en m’exprimant. Peut-être. Mais au moins j’aurai essayé d’alerter les consciences à mon humble niveau. Je veux utiliser ce qui me reste de forces pour dire : attention, ce qu’il se passe est infiniment grave. Ce n’est pas une question de courage. Simplement, si je ne le fais pas, j’aurai un immense remords.