Le 25 juin 2020, la Congrégation pour la doctrine de la Foi publiait un document intitulé Samaritanus bonus, « le Bon Samaritain », qui se concentre « sur le soin des personnes en phases critiques et terminales de la vie » – plus récemment, la déclaration Dignitas infinita reprend ce sujet parmi d’autres. Passé presque inaperçu mais très précis et riche, Samaritanus bonus réaffirme et actualise toutes les réponses et orientations de l’Église sur le sujet de l’accompagnement de la fin de vie. Partant d’une méditation sur l’image du Christ, bon Samaritain qui rencontre et qui soigne, et sur son expérience de souffrance rédemptrice, l’Église y annonce l’espérance sans laquelle la douleur ne peut être supportable. Cette espérance a pour fondement ce qui fait la dignité véritable de toute vie humaine : sa vocation transcendante.
Fausse compassion
La réflexion déployée avant d’entrer dans les cas pratiques rappelle qu’une pensée droite refuse la fausse liberté qui consisterait à supprimer le malade pour supprimer sa douleur, lui refusant toute possibilité de relation ultérieure et de croissance humaine et spirituelle. L’Église maintient fermement sa défense de la valeur inaliénable de toute vie humaine, face à l’utilitarisme et l’individualisme contemporains, la fausse compassion face à la souffrance qui se ramène finalement à la culture du déchet. Face à ces tentations contemporaines, la Congrégation insiste sur la nécessité de renforcer la culture et les soins palliatifs, « expression la plus authentique de l’action humaine et chrétienne », auxquels doivent être inclus une assistance spirituelle et un lien étroit avec les familles.
Quand on en vient aux dispositions concrètes – celles que l’on retrouve malheureusement derrière l’« aide à mourir » du projet de loi français –, Samaritanus bonus est particulièrement clair. L’euthanasie est un crime contre la vie humaine, intrinsèquement mauvais en toutes occasions et toutes circonstances. Le suicide assisté est plus grave encore car il fait participer autrui à son propre désespoir, ou encore car il organise et encadre la collaboration à l’acte illicite et désespéré des suicidés.
Depuis l’époque de Pie XII, l’Église réfléchit au rapport entre le soin et la technique médicale, et exclut l’acharnement thérapeutique, qui retarde artificiellement la mort sans bénéfice pour le patient, prolongeant sa vie de manière précaire et pénible. On peut donc envisager dans certains cas de suspendre certains traitements qui constitueraient une obstination déraisonnable. Mais le document précise cependant qu’il ne peut s’agir pour autant d’un abandon thérapeutique : les soins normaux demeurent dus jusqu’au bout, notamment ceux qui soutiennent les fonctions physiologiques essentielles.
Suspendre des traitements proportionnés ne revient pas à une euthanasie : la médecine doit ici chercher une proportionnalité en référence au bien intégral du malade, dans le but d’accompagner la vie. Cette suspension peut être accompagnée d’une sédation, favorisant un apaisement du malade face aux derniers instants et même avec le risque de rapprocher le moment de la mort, tout en gardant à l’esprit l’importance de laisser au malade l’espace d’une préparation spirituelle.
Nécessaire clarification
Un paragraphe spécial traite du cas de l’alimentation et de l’hydratation des personnes en fin de vie ou en état « végétatif », distinguant selon que le corps du patient est encore capable de métaboliser les nutriments, et que leur administration demeure possible sans inconvénient majeur. Cette clarification nette est rendue nécessaire – on le mentionne explicitement – en raison de la multiplication d’affaires juridiques récentes, concernant des patients qui étaient loin d’être en phase terminale.
Le document s’arrête sur un domaine non traité par le projet de loi français, mais qui ne manquera pas d’être touché par ses conséquences : l’accompagnement de la fin de vie des tout-petits, enfants non viables ou atteints de pathologies mortelles à brève échéance. Toute vie sacrée est unique, non reproductible et inviolable, et ces enfants doivent être accompagnés avec autant de soin que tout autre patient, sinon plus, en particulier pour la prise en charge de la douleur.
Lois iniques et « structures de péché »
Enfin, le document donne aux catholiques vivant dans des pays ayant légalisé l’euthanasie et le suicide assisté des lignes de conduite claires : « toute coopération immédiate, formelle ou matérielle » est « un grave péché contre la vie humaine » – aucune collaboration active ou passive ne peut être tolérée à un acte qui contredit le rapport théologal avec Dieu et la relation morale qui unit les hommes partageant le don de la vie.
La Congrégation déplore avec justesse la profonde déformation que ces lois iniques font subir aux consciences humaines, dans l’idée largement répandue que le droit décide positivement du bien et du mal. Or « le droit n’existe que pour protéger la vie ». Face à ces « structures de péché » et de mort, les catholiques ont une obligation grave d’objection de conscience, qui concerne tant les personnels que les établissements de santé, car « il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes ».
Tout catholique doit s’opposer à ces lois, démocratiquement et par l’objection de conscience, et la désobéissance devient une obligation, un devoir qui incombe aussi aux établissements de santé catholiques, malgré les sacrifices et pénalités financières qu’ils pourraient encourir, et inclut le fait de refuser aussi bien de pratiquer de tels actes que de diriger les patients vers des établissements qui les pratiqueraient.
Pas d’onction des malades
Enfin, le document donne quelques directives pastorales pour les prêtres et aumôniers accompagnant les malades : face à une disposition ferme de demander une euthanasie ou un suicide assisté, à moins d’un signe clair de repentir, il est impossible d’administrer la confession, l’onction des malades ou la communion, comme il est impossible de poser quelque geste extérieur qui puisse être interprété comme une approbation à cet acte – par exemple assister à l’injection létale.
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