En 1835, l’évêque de Strasbourg fit obligation à un prêtre fort influent de son diocèse, l’abbé Bautain (1796-1867), qui enseignait l’impuissance de la raison en matière apologétique, de rétracter publiquement cette doctrine en signant une série de propositions affirmant la pleine légitimité de la démarche rationnelle. Il s’agissait de condamner ce qu’on appelle le « fidéisme », selon lequel la foi relève intégralement du sentiment personnel et nullement du jugement de l’intelligence.
Parmi les thèses soutenues par l’Église en cette occasion, relevons celle-ci : « On n’a pas le droit d’attendre d’un incrédule qu’il admette la Résurrection de notre divin Sauveur avant de lui en avoir administré des preuves certaines, et ces preuves sont déduites par le raisonnement. »
Cette proposition fut reprise en 1855 par la Sacrée Congrégation de l’Index contre un autre fidéiste français, le philosophe Augustin Bonnety (1798-1879).
De l’importance de la raison
L’Église affirme donc qu’il existe des preuves certaines de la Résurrection, et qu’on peut les « déduire par le raisonnement ». Voilà qui devrait étonner bien du monde. Car si l’Église a toujours officiellement combattu le fidéisme, il faut reconnaître que ce dernier l’a emporté dans bien des têtes – y compris des plus mitrées. La plupart des laïcs et une partie des clercs pensent en effet que la croyance en la Résurrection de Jésus relève d’une sorte d’intuition intime, de conviction affective, voire de choix personnel – mais certainement pas qu’elle puisse se présenter comme la conclusion d’une enquête rationnelle. Fondamentalement, on estime qu’il est impossible de convaincre quelqu’un de la Résurrection par des arguments. La foi serait incommunicable. Eh bien, c’est faux.
Témoignages concordants
Certes, il n’est pas nécessaire pour être un bon chrétien, de connaître ces « raisonnements ». Il suffit aux fidèles de faire confiance au témoignage des apôtres, qui rapportent avoir vu Jésus-Christ après sa mort, pendant quarante jours. Au demeurant, le témoignage de plusieurs personnes fiables constitue lui-même un bon élément de preuve. Pourquoi des gens aussi différemment disposés à l’égard de Jésus que l’étaient Pierre, Paul et Jacques auraient-ils rapporté avoir vu Jésus-Christ ressuscité si ce n’était pas vrai ?
Mais admettons que vous tombiez sur un sceptique un peu coriace. Il vous faudrait alors organiser votre démonstration. Le mieux pour cela serait sans doute de partir des faits qui sont reconnus par la majorité des historiens, croyants ou non, bien sûr. Retenons-en cinq :
1) Jésus est mort ; c’est indubitable, Romains et Juifs l’attestent.
2) Jésus a été enterré dans la tombe de Joseph d’Arimathie ; les évangélistes n’auraient pas inventé ce détail, car Joseph d’Arimathie était membre du Sanhédrin… tribunal détesté par les apôtres.
3) Le tombeau – dont l’emplacement était bien connu puisqu’il appartenait à un notable – a été retrouvé vide le troisième jour ; la tradition juive elle-même le rapporte, optant pour l’hypothèse d’un vol de cadavre (voyez Mt 28, 15 et Justin, Dialogue avec Tryphon, ch. 108).
4) Les apôtres ont raconté avoir vu Jésus bien vivant après sa mort ; ces récits ne sont pas des preuves de la Résurrection, mais on ne peut les réfuter sans supposer qu’ils aient vécu des expériences psychologiques extraordinaires.
5) Les apôtres sont passés subitement de la dépression à l’enthousiasme évangélisateur, proclamant la Résurrection au péril de leur vie.
Aucun de ces cinq faits n’est surnaturel : un tombeau vide, des récits d’apparition, un bouleversement psychologique… Tout cela est parfaitement reconnu par les historiens. À partir de là, la bonne question est : comment expliquer l’ensemble de ces faits ? Quelle est l’hypothèse explicative la plus simple, la plus probable ? C’est là qu’il convient d’user de logique, et de procéder par élimination.
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