Mardi 2 avril. Seize heures. Quartier de La Mosson – La Paillade. L’AFP, avec son sens coutumier de l’euphémisme – qui parfois vire à la cécité – le qualifie dans ses dépêches de « populaire ». En réalité, il s’agit d’un quartier ultra-sensible, épicentre des émeutes de juin 2023. C’est là aussi qu’une mère de famille, Naïma Amadou, avait interpellé Emmanuel Macron en avril 2021 pour savoir si le prénom Pierre « existait vraiment ou si ce n’est que dans les livres, tellement il y a un manque de mixité ». Trois ans plus tard, les choses n’ont pas changé.
Talibanisation
En cet après-midi, donc, Samara quitte le collège Arthur-Rimbaud. La voici sur la rue Mohamed-V, à quelques centaines de mètres du consulat d’Algérie. Au nord : grande mosquée Averroès. L’adolescente est prise à partie par trois jeunes – une fille et deux garçons – qui s’acharnent. Après une série de convulsions, Samara tombe dans le coma. Que s’est-il passé ? Les versions divergent. Pour certains, dont la mère de la victime, la jeune fille a été lynchée en raison de son refus de porter le voile. Qualifiée de mécréante, « kouffar », ou de prostituée, elle aurait fini par le payer au prix fort. Pour d’autres, il pourrait s’agir d’une minable affaire de vengeance liée à des rivalités sur les réseaux sociaux, mais toujours sur fond de communautarisme islamique. In fine, c’est une scène que l’on imaginerait volontiers dans un stade de Kaboul. Barbarie comparable deux jours plus tard à Viry-Châtillon (Essonne) où Shemseddine est tabassé à mort par un groupe de courageux encagoulés, au motif pathétique qu’il aurait échangé des photos à caractère sexuel avec une jeune fille de leur entourage. Dans le vocabulaire salafisto-mafieux, cela s’appelle un « crime d’honneur ».
Décivilisation
Il ne s’agit pas, hélas, de simples faits divers. Quels que soient les mobiles, Samara est la « nouvelle victime d’une litanie insoutenable de crimes où s’étreignent l’inhumanité et l’impunité, nouveau drame d’un grand renversement qui donne la primauté à la force sur le droit, à la cruauté sur la civilité, à la meute sur l’autorité », estime Vincent Trémolet de Villers dans Le Figaro (05/04), qui aurait sans doute pu écrire la même chose pour Shemseddine. Ce « grand renversement », nul ne pourra y faire obstacle en se contentant de déclarations incantatoires, exaltant la « laïcité à la française ». Bien sûr, les politiques n’ont pas manqué de condamner, de s’indigner, tandis que la mère de Samara dénonçait « l’instrumentalisation de la souffrance de [s]a fille par l’extrême droite » sur C8 (04/04), sur le plateau de « Touche pas à mon poste » (TPMP). Samara « pratique le jeûne du mois de ramadan ». On respire…
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