Alors que nos princes n’en finissent plus de célébrer la mort, la fête de l’Annonciation apparaît comme une protestation de la vie, aussi éclatante que silencieuse, au milieu de l’immense sabbat de sorcières qu’est devenue la République. Rendez-vous compte ! Une jeune fille apprend qu’elle pourrait tomber enceinte, manifeste une certaine perplexité puis, comprenant que ce petit d’homme viendrait de Dieu, répond par un grand « oui ». Peut-on imaginer, de nos jours, réponse plus révolutionnaire ? Et peut-on concevoir résumé plus parfait de la grande question du « sens de la vie » ? Car une chose est sûre, nous l’avons sous les yeux : lorsqu’elle n’est plus perçue comme un don, et comme un don de Dieu, la vie est accueillie, de plus en plus souvent, par un grand « non ». Mais voyons tout cela de plus près.
Une date loin d’être arbitraire
Historiquement, d’abord, il est intéressant de noter que la date de l’Annonciation, fixée par la tradition au 25 mars – et exceptionnellement décalée cette année, le 25 mars tombant le Lundi saint –, n’a rien d’arbitraire. On sait en effet, par saint Luc, que lors de l’Annonce faite à Marie, sa cousine Élisabeth, mère de Jean-Baptiste, était enceinte de six mois (Lc 1, 26) ; et l’on sait aussi, toujours par saint Luc, qu’Élisabeth et Zacharie ont conçu le petit Jean à l’époque où Zacharie passait ses journées au Temple, selon les devoirs de sa classe (Lc 1, 8). Or, les archéologues ont découvert dans les années 1960, parmi les manuscrits de Qumran, un document consignant les tours de garde des différentes classes de prêtres au Temple. On y apprend que pour la classe de Zacharie – « la classe d’Abia » (Lc 1, 5) – le tour d’astreinte tombait fin septembre. La chronologie traditionnelle est donc confirmée par l’archéologie : l’Annonciation a eu lieu six mois après la fin septembre, c’est-à-dire à la fin mars, – ce qui confirme aussi, au passage, la naissance de Jésus fin décembre, neuf mois après la fin mars. Mais venons-en à l’essentiel.
« Fiat »
Le point fondamental, dans le récit de l’Annonciation, outre la foi de Marie, c’est son consentement, le mouvement de la volonté par lequel elle a donné librement son accord aux merveilles de Dieu en elle. « Voici la servante du Seigneur : qu’il me soit fait (fiat mihi) selon ta parole. » Il fallait, en effet, qu’à la révolte de nos premiers parents répondît le consentement d’une nouvelle Ève qui, en prenant le contrepied de sa lointaine aïeule, inaugurerait l’avènement du Salut. C’est ainsi que l’Église présente les choses : « Le Père des miséricordes a voulu que l’Incarnation fût précédée par une acceptation de la part de cette Mère prédestinée, en sorte que, une femme ayant contribué à l’œuvre de mort, de même une femme contribuât aussi à la vie » (Lumen gentium, § 56). C’est dire que Dieu, au moment d’engager l’opération « Salut », a voulu la libre coopération d’une créature. On peut, sur ce point, comparer la réponse de la Vierge « Je suis la servante du Seigneur » à la phrase de Satan rapportée par Jérémie (2, 20) : « Je ne servirai pas ! » À l’insurrection contre toute dépendance répond l’humble consentement à la condition de créature, qui trouve son épanouissement dans le service de Dieu. Mais ce consentement n’est pas soumission à une contrainte : il est libre reconnaissance.
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