Le credo de Philippe Muray - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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Le credo de Philippe Muray

« Seul le désaccord absolu avec la société actuelle permet de la décrire » écrivait Philippe Muray.
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Procession du Saint-Sacrement, le 5 août à La Salette.

© Pascal Deloche / Godong

Il y a dix-huit ans, en l’église Notre-Dame-des-Champs, à Paris, nous étions une belle assemblée pour accompagner Philippe Muray qui venait de nous quitter. Alain Besançon avait rappelé l’importance de l’écrivain et du penseur pour notre temps. Un penseur, précisément intempestif, peut-être comme l’entendait Nietzsche. Que dirait-il de ces années qui ont suivi sa mort et de notre bel aujourd’hui ? Que lui aurait inspiré l’embrasement de la tour Eiffel en l’honneur de l’avortement sanctuarisé? Il suffit de le lire, de recourir à la somme de ses chroniques pour le deviner.

L’édition des deux derniers tomes de son Journal envoie en pleine figure le mépris motivé qu’il avait pour notre époque : « Seul le désaccord absolu avec la société actuelle permet de la décrire, tout en donnant la sensation au lecteur qu’il la découvre. Il faut insulter cette planète : un visage giflé devient nouveau, surprenant, inédit, intéressant. » On se récriera sans doute devant tant de vindicte. Mais il s’agit de comprendre à qui ou à quoi elle s’adresse. Il ne s’agit pas de déclarer sa haine au genre humain, mais de s’en prendre à ce qui le défigure, ce qui trahit sa vocation, son identité véritable. Et sous cet angle de vue, il est vrai que la modernité tant célébrée, à l’aune de toutes les libérations, en prend un sacré coup !

Un étrange occultisme

J’ai toujours considéré que son essai fleuve intitulé Le XIXe siècle à travers les âges était un chef-d’œuvre incomparable, parce qu’il nous donnait les clés de cette modernité, analysée à travers une littérature considérée généralement comme une sortie du christianisme. Mais le coup de force de Muray est de montrer que cette sortie, loin d’être celle de l’émancipation de l’obscurantisme, était au contraire entrée dans une ère d’étrange occultisme, avec son Panthéon des fantômes et des courants d’air et sa pratique des tables tournantes. Un Muray tellement intempestif qu’il va jusqu’à justifier le Syllabus du bienheureux Pie IX. Ce Syllabus honni par toute la bien-pensance, pas seulement laïcarde ! « Le Syllabus est un excellent analyseur dans la mesure où il désigne tout de suite des défauts constitutifs. Il ne lit pas la réalité de surface mais immédiatement son texte inconscient. Il en fixe la valeur aussi qui avoisine le zéro. » Mais pour saisir un tel jugement, il faut se concentrer sur une connaissance des textes et des faits assez époustouflante.

« Le Dieu des processions »

Bien sûr, Philippe Muray ne s’érige pas en Père de l’Église. Il ne se veut nullement théologien. La littérature est exclusivement son royaume. D’ailleurs, ses professions de foi explicites sont plutôt rares. Mais quand ça lui arrive, il n’a pas peur de témoigner d’une pure orthodoxie. Et il s’en donne à cœur joie : « Le Dieu des processions et des reposoirs. Le Dieu des Fête-Dieu qui traversaient tout le village dans des pluies de pétales de rose sans que les athées trouvent encore judiciairement à redire. Le Dieu de la liturgie et de l’Histoire. Le Dieu historique de l’Incarnation. Le Dieu qui s’historise par son passage sur terre, en un point déterminant du temps et de l’espace, nouant le spirituel et le charnel, la chute et la Rédemption, la nature et la grâce, la chair et l’âme, la raison et la foi, le premier et le second Testament, la première et la seconde Loi, la première et seconde Alliance. Le Dieu du Vendredi saint, de l’annonce du Royaume, de la rédemption de l’humanité, du sacrement de baptême, des cheminements de la grâce, de l’institution de l’Eucharistie, de la mort vaincue. De la Résurrection comme une aube immense et définitive. »

Il me manque ce Philippe Muray de toutes les audaces, de la dénonciation des impostures et des mensonges de la modernité. Heureusement, il nous laisse ses écrits avec leur densité prodigieuse de culture. De quoi se consoler des tristes moments qu’il nous arrive de vivre ces jours-ci !