«C’est long, pour créer une bonne habitude ! Puisque les vertus sont des “dispositions de l’âme en vue de faire le bien”, elles doivent être intégrées progressivement dès l’enfance. Cela fait partie de l’éducation, comme tout le reste, par exemple la politesse. Plus on commence tôt, plus on a de chance que cela devienne une seconde nature… », assure Thérèse Puppinck, mère de famille et cofondatrice, il y a dix ans, d’une école catholique hors contrat, le Cours Herrade de Landsberg, à Strasbourg.
Cette pratique, qui passe par un apprentissage quotidien, doit donc commencer le plus tôt possible. Une certitude que partage Charlotte Bruneteau, pour qui « dès la maternelle, même sans connaître le mot vertu, l’enfant comprend très bien quand on lui dit qu’il y a de bonnes habitudes à prendre ». Cette mère de six enfants rappelle au passage le but de cet apprentissage : « L’objectif de l’éducation chrétienne, c’est d’aider les enfants à devenir saints pour les conduire au Ciel, le but de notre vie ! La pratique des vertus est comme un escalier qui mène à la sainteté. »
Parents exemplaires
Les parents sont bien sûr les premiers acteurs de cet apprentissage, dans lequel la théorie ne suffit pas. « Ils sont le meilleur exemple pour leurs enfants ! S’ils les voient être vertueux, ils deviendront naturellement vertueux plus facilement. Le plus important c’est la cohérence de vie entre ce qu’on dit et qu’on fait… », affirme Charlotte Bruneteau. Même constat pour Thérèse Puppinck : « Les enfants sont des éponges, ils imitent les adultes. Ils ont également besoin de voir le couple des parents vivre de manière bonne l’un envers l’autre, pour que la cohérence soit réelle. »
L’école est également un acteur essentiel pour que cet apprentissage soit le plus fécond possible. « Une école catholique a à cœur de former des saints », rappelle Charlotte Bruneteau. Dans ce but, pour Thérèse Puppinck, « l’idéal, c’est qu’elle soit en adéquation avec l’éducation des parents, cela l’aide beaucoup les enfants ». Dans le cas contraire, ou, « pire, si cet apprentissage est contrarié, cela va être beaucoup plus difficile, en raison du temps que l’enfant passe à l’école », déplore cette mère de famille. Charge donc à l’école de poursuivre le travail éducatif accompli à la maison. C’est pour faire le pont entre ces deux institutions vitales pour l’enfant que Charlotte Bruneteau est chargée de former les maîtresses et les parents de l’école hors contrat Sainte-Bénilde (Clermont-Ferrand) à l’enseignement de l’Église sur les vertus. Charge à eux de le transmettre ensuite aux enfants à travers la catéchèse et la vie quotidienne. Ce double travail permet aux enfants d’entendre le même discours à la maison et à l’école. Ainsi, peu à peu, un écosystème se met en place autour de l’enfant pour l’aider à croître dans le bien.
C’est ce qu’elle essaie de vivre elle-même avec ses enfants : « À la maison, je fais des petites piqures de rappel. Par exemple, s’ils se disputent, je leur rappelle qu’ils sont en train de travailler sur la vertu de charité à l’école. Et le soir dans la prière je leur fais réciter l’acte de charité. Ou si j’entends des gros mots, je redis ce qu’ils ont appris sur la vertu de courtoisie… » Ainsi, peu à peu, un écosystème se met en place autour de l’enfant pour l’aider à croître dans le bien. « La convergence d’apprentissage entre l’école et la maison apporte beaucoup de sérénité aux parents, c’est pour cela que nous avons fait le choix de cette école, avec mon mari », précise-t-elle. Comme eux, beaucoup de parents font le choix d’inscrire leurs enfants dans des écoles où ils savent que la transmission des vertus fera partie intégrante de l’apprentissage global, culturel, humain et spirituel.
« S’exercer aux petites vertus »
Quelles vertus faut-il apprendre aux enfants ? « Toutes ! », assure Charlotte Bruneteau, qui, au sein de l’école, propose d’en approfondir une par période scolaire entre deux vacances. Vertus théologales, cardinales, et les vertus humaines qui en découlent – courtoisie, patience, tempérance… sont tour à tour abordées. « Cela dépend du temps liturgique ou des besoins soulevés par les maitresses. » Elle rejoint en cela le sage conseil de saint François de Salles à sainte Jeanne de Chantal : « Il faut s’exercer aux petites vertus, sans quoi les grandes sont souvent fausses et trompeuses. » À l’école Charles de Foucauld, à Versailles, si l’objectif est le même, la méthode diffère un peu. En dehors l’enseignement des vertus théologales et cardinales pendant la catéchèse, les vertus se transmettent de manière expérimentale. « Tout est mis en œuvre pour que les enfants grandissent dans toutes les vertus. Cela infuse par les divers moyens éducatifs mis en œuvre, avec une attention sur-mesure portée à chaque situation », témoigne Alain Moulia, directeur du collège. Dont acte. Dans ce collège de garçons, le sport, par exemple, se fait en short, même l’hiver, « pour développer la vertu de force et de courage ». Mais c’est sur la vertu de charité que ce collège insiste le plus : « Nous essayons de leur apprendre à la vivre entre eux. C’est un vrai travail quotidien… » Autre foyer éducatif majeur : le scoutisme. « Nous nous appuyons aussi beaucoup sa pédagogie et les valeurs qu’il transmet », assure encore le chef d’établissement.
« Pour l’amour de Jésus »
Par ailleurs, pour que l’apprentissage des vertus ne soit pas seulement une morale, le lien doit être fait avec la vie spirituelle. « C’est essentiel, pour donner des racines et un sens à cet apprentissage », confirme Thérèse Puppinck. « Etre gentil pour être gentil, cela ne suffit pas. On grandit dans la charité par et pour l’amour de Jésus, parce qu’on a le désir d’aller au ciel. Dès le plus jeune âge, les enfants comprennent qu’ils ont une âme pour cela… » Le meilleur exemple demeure donc la vie de Jésus. « Ce qui marche très bien avec les enfants, c’est de leur demander ce que ferait Jésus à leur place. Ils discernent immédiatement ce que Jésus aurait fait et cela les fait réfléchir à leur attitude. » La découverte des vies de saints est un autre moyen éducatif efficace. « Il faut leur donner des figures auxquelles s’identifier, qui leur montrent les moyens à prendre au quotidien pour devenir saints », conseille Charlotte Bruneteau, qui recommande aux parents de donner à leurs enfants un saint-ami pour apprendre à l’imiter. De son côté, Thérèse Puppinck confie s’en être également beaucoup servi avec ses enfants et les élèves de son école : « Nous écoutions souvent des vies de saints à table, en famille, quand les enfants étaient plus jeunes, et à la cantine de l’école également, cela marche très bien ! »
Enfin, bien connaitre l’enfant est également essentiel pour les éducateurs, afin de l’encourager à développer les vertus qu’il a naturellement dans son tempérament, et l’aider à acquérir d’autres vertus. « Cela va permettre de palier certaines faiblesses sur d’autres plans », rassure Thérèse Puppinck. Pour accomplir cette tâche immense de l’apprentissage des vertus, les éducateurs doivent « être patients et s’appuyer sur la Grâce, en priant pour leurs enfants », rappelle la mère de famille. « Cela ne sert à rien de forcer : il faut semer laisser la grâce agir. » Faire confiance à Dieu qui agit avec eux et fait fructifier leur long de jardiniers-éducateurs, c’est peut-être le levier plus efficace pour des éducateurs.
Pour aller plus loin :
- INTRUSION DE LA THEORIE DU GENRE A L’ECOLE ET DANS LA SOCIETE
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- EN LISANT MONSIEUR MEXANDEAU : VIVE L’ÉCOLE PLUS LIBRE
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- OBSERVATION : SCIENCE ET MIRACLE