L’événement est resté dans les mémoires, avec les paroles prononcées. Le 4 octobre 1965, le pape Paul VI s’exprimait à la tribune des Nations unies à New York : « Jamais plus la guerre ! Jamais plus la guerre ! »
C’était un souhait qu’il exprimait bien entendu, la réalité du moment ne renvoyant nullement à une planète apaisée. La guerre au Vietnam, où les Américains s’étaient engagés, faisait rage. Et si le thème de la coexistence pacifique avait émergé de la période Kennedy-Khrouchtchev, c’était sur fond de guerre froide et d’un équilibre de la terreur que l’on savait précaire. Il n’y avait pas si longtemps que la crise des missiles à Cuba avait failli déboucher sur un conflit aux conséquences terribles. Précisément à cette occasion, le prédécesseur de Paul VI, Jean XXIII, était intervenu comme médiateur entre les États-Unis et l’Union soviétique, pour trouver une solution à la crise.
Rôle de la diplomatie pontificale
De ce point de vue, il y a une continuité évidente dans ce qu’on peut appeler la politique pontificale. Il y aurait lieu de réfléchir à la situation historique de la papauté comme instance supérieure, sinon d’arbitrage, du moins d’équilibre et de conciliation. René Girard, dans son dernier ouvrage écrit avec Benoît Chantre Achever Clausewitz (Grasset), a particulièrement mis l’accent sur le sujet : « L’audience qui est celle du pape aujourd’hui (il s’agissait alors de Benoît XVI) témoigne à elle seule qu’un message essentiel est en train de passer : celui d’une urgence absolue de la réconciliation. Cette urgence est eschatologique… » Girard parlait avec l’autorité de l’historien qu’il était aussi, analysant toute l’histoire de la papauté, avec son émergence progressive à l’universalité.
Caractère apocalyptique
Que dirait-il de la situation du Souverain pontife actuel, François, qui vient de présenter le 8 janvier ses traditionnels vœux au corps diplomatique, dans une conjoncture internationale de plus en plus périlleuse ? Les guerres qui se sont déclarées, aussi bien en Ukraine qu’en Terre sainte, avec leurs risques d’extension, présentent bien ce caractère apocalyptique si présent dans la pensée de l’auteur de La Violence et le Sacré. Certes, on voit mal comment le pape pourrait intervenir sur le terrain diplomatique avec succès. Ses tentatives de médiation entre Moscou et Kiev n’ont pas abouti. La logique actuelle de la guerre est celle de la montée aux extrêmes et les centaines de milliers de morts des champs de bataille ne semblent pas conduire les protagonistes à une volonté de négociation.
Serait-ce que la seule raison politique, avec ses médiations pourtant nécessaires, se trouve, en quelque sorte, paralysée par une logique qui les dépasse ? N’est-ce pas pour ce motif qu’il est essentiel qu’il existe une instance qui échappe totalement aux processus du conflit et de la haine ? La montée aux extrêmes constitue un défi redoutable. Au moins, l’instance pétrinienne invite-t-elle à regarder le monde avec un autre regard que celui d’une violence qui ne connaît plus de mesure.