Dans ce passage de saint Paul (1Th 5, 16-24), il n’est pas question des prophètes de l’Ancien Testament dont les chrétiens n’ont cessé de scruter les écrits, à la suite des croyants d’Israël. Ce dont on parle ici, ce sont des membres de la communauté qui ont bénéficié d’un éclairage du Saint Esprit et qui, à certains moments, sont à même d’avertir, d’encourager, de porter témoignage, de donner une direction etc.…
Pour ceux qui fréquentent le Renouveau charismatique, ceci est un point acquis et on parle couramment chez eux du charisme de prophétie, comme du don de « science » ou de « guérison », reconnus et encouragés par la communauté, et discrètement encadrés par un sage discernement. Mais ceci n’est pas le fait de tout le monde et il faut peut-être redire des vérités qui font partie depuis toujours du dépôt de l’Église, même si elles n’ont pas toujours été mises en avant.
Le Christ en fondant l’institution de l’Église voulait donner au groupe ses disciples une visibilité dans l’histoire de l’humanité. Il courait par là le risque de passer par des hommes pécheurs et c’est très consciemment qu’il a confié à ses apôtres et à leurs successeurs, malgré leur imperfection, une autorité qui impliquait un principe d’obéissance au sein de la communauté. Cette obéissance est nécessaire à toute société humaine, mais elle revêtait en plus la valeur d’un acte de dépendance librement acceptée vis-à-vis de lui qui en est la source (« qui vous écoute m’écoute »). Pourtant il se réservait par l’Esprit Saint le droit d’influer constamment sur la croissance du ce corps, en éveillant à un moment ou l’autre, la réponse imprévue d’une liberté à un appel entendu au plus secret des cœurs. C’est comme cela que l’Église a vécu, et qu’elle a grandi. L’autorité de l’Église a toujours le dernier mot, mais à charge pour elle de ne pas être sourde à l’appel de l’Esprit. Et ce merveilleux accord, qui ne se réalise pas toujours sans souffrances et sans tâtonnements, jalonne l’historie de l’Église.
Saint Paul en sait quelque chose, lui dont la mission est d’abord un appel personnel, mais peu à peu confirmé par l’institution apostolique. Mais c’est lui qui, à son tour, a dû faire place, dans les communautés qu’il fondait et structurait, à ces voix imprévues qui le poussaient plus loin ou remettaient en cause certaines décisions qu’il avait prises. Ainsi ont fonctionné les saints qui ont ouvert des voies inattendues que l’Église a ensuite suivies : saint François fondant les frères mineurs et remettant en cause l’installation des clercs et des religieux dans l’appareil économique de l’Église du moment, sainte Thérèse d’Avila mettant la vie mystique au cœur du dynamisme de l’Église etc.
Ne doutons pas que la même puissance de l’Esprit habite l’Église d’aujourd’hui. Ne la réduisons pas à un appareillage bureaucratique.