Peut-on encore parler d’un vote catholique ?
Jérôme Fourquet : Au début du XXe siècle, André Siegfried a montré, dans son Tableau politique de la France de l’Ouest (1913), que la variable catholique influençait profondément le comportement électoral. Les catholiques apportent majoritairement leurs suffrages aux partis de droite – même si ce vote n’a jamais été homogène : dès cette époque, une frange des catholiques français votait à gauche, dans le sillage du Sillon de Marc Sangnier, notamment.
Si la sociologie électorale s’est intéressée très tôt à l’expression politique des catholiques, c’est évidemment que leur vote pesait lourd. À la veille de Vatican II, 35 % des Français disaient aller à la messe tous les dimanches – et plus encore dans les régions que n’avait pas encore affectées l’exode rural. Depuis, les choses ont bien sûr évolué : le vote des catholiques est moins homogène qu’il ne l’était mais, surtout, leur poids électoral s’est effondré.
Qu’est-ce qu’un catholique pour un institut de sondage ?
Quand on leur demande quelle est leur religion, 50 % des Français se disent catholiques, mais cette identification doit être relativisée car ils ne se définissent pas spontanément comme catholiques : c’est seulement parce qu’on leur demande de se situer sur le spectre religieux. La vraie distinction se fait entre ces catholiques « d’héritage » et ceux qui se disent pratiquants. Ceux-là sont environ 8 %. Encore faut-il préciser que la notion de pratique est assez lâche. Pour ceux qui pratiquent tous les dimanches, on est plus près de 3 % de la population.
Vous dites que leur vote est moins homogène. Comment a-t-il évolué ?
Il y a toujours un « survote », comme on dit dans notre jargon, en faveur de la droite. En 2017, par exemple, François Fillon recueillait au premier tour 46 % des suffrages des pratiquants, alors que son score national était de 20 %. Ses thèmes de campagne – la politique familiale, la lutte contre le terrorisme islamique… – s’accordaient aux préoccupations de l’électorat catholique. Et, en 2022, 36 % des pratiquants ont voté pour Marine Le Pen (25 %) ou pour Éric Zemmour (11 %) alors que le score cumulé de ces deux candidats dépassait tout juste 30 % sur le plan national. Il y a bien un survote en faveur de la droite. Mais 29 % des pratiquants ont voté Macron, soit dix points de plus qu’en 2017. Valérie Pécresse a fait les frais de cette droitisation, d’un côté, et de l’attrait pour Emmanuel Macron, de l’autre.
Retrouvez l’entretien complet dans le magazine.
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La France d’après. Tableau politique, Jérôme Fourquet, éd. Seuil, octobre 2023, 560 pages, 24,90 €.