«Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu, ce qui est à Dieu » (Mc 12,17). Depuis qu’elle a été prononcée il y a plus de 2000 ans par Notre Seigneur à Jérusalem, ce précepte règle très précisément les relations complexes entre le religieux et le politique. À y regarder de près, la sentence est même tranchante comme un rasoir. Pas une lettre ni une virgule à retrancher, sous peine de tomber soit dans le travers du politique qui se prend pour Dieu – ce à quoi nous assistons depuis deux cents ans –, soit dans la confusion des deux ordres qui a lieu dans l’islam par exemple, avec un manque évident de liberté. Les jeunes Iraniennes qui s’affranchissent depuis un an du voile, parfois au péril de leur vie, en savent quelque chose…
Polémique franco-française
Et cette parole sacrée du Christ s’applique aussi à la polémique franco-française à laquelle a donné lieu l’annonce que le chef de l’État se rendrait à la messe du pape François à Marseille, ce 23 septembre. Quoi, un président à la messe ? Horreur, malheur ! La République laïque est en danger, affirment Jean-Luc Mélenchon et consorts de LFI (cf p. 10), faisant mine d’ignorer 1 500 ans de liens étroits, houleux parfois, entre la France et les papes. Ainsi, en 1938, un ministre socialiste et franc-maçon, Jean Zay, assiste-t-il aux côtés du président à la réouverture au culte de la cathédrale de Reims, en présence du légat du pape…
Et c’est justement cette amnésie volontaire, cet oubli de Dieu qu’évoque la seconde partie de la citation de l’Évangile : « Rendre à Dieu ce qui est à Dieu ». Sur ce point, il faut rendre justice à l’actuel chef de l’État d’avoir tendu la main aux catholiques, lors de son intervention aux Bernardins en 2018, les incitant à être davantage présents dans le débat public : « Si les catholiques ont voulu servir et faire grandir la France, cela n’a pas été seulement au nom d’idéaux humanistes. (…) C’est aussi parce qu’ils étaient porteurs de leur foi en Dieu et de leur pratique religieuse. »
La réponse, elle, se fait toujours attendre, si l’on en croit l’historien Andrea Riccardi dans son dernier livre (L’Église brûle, Cerf, 2022) : « L’Élysée attendait une réaction. J’ai eu connaissance, par certains cercles de la présidence, d’une légère déception quant à la réponse de l’Église. » Ce dont cet échange témoigne, c’est du besoin de ressources spirituelles du côté du pouvoir politique, face aux défis considérables de notre monde – la fin de vie en est un, l’afflux de migrants à Lampedusa un autre, avec sur ce point une réponse qui appartient certes au politique en premier lieu… Dans tous les domaines, il s’agit de faire retrouver la raison à une laïcité devenue folle, en « distinguant pour unir » les domaines spirituel et temporel. La voie est étroite, elle n’est pas sans risque – d’instrumentalisation –, mais c’est pourtant la seule qu’imposent les circonstances. Car l’Église, malgré sa faiblesse apparente, reste la seule institution qui ait survécu aux révolutions. Et sa parole, dégagée des enjeux sondagiers, est vérité et vie.
Sa mission est ainsi de sauver la politique du mensonge. « Rendre à Dieu ce qui est à Dieu », c’est aussi reconnaître que la messe n’est pas seulement un événement « festif », comme l’indique le communiqué de l’Élysée. Mais l’actualisation du sacrifice du Christ, qui seul sauve le monde.