C’est l’historien Georges Bensoussan qui, dans Le Figaro (02/07), a sans doute livré l’une des analyses les plus percutantes des violences qui viennent de frapper la France, y compris dans des territoires que l’on pourrait naïvement penser encore préservés de l’ensauvagement de la société : Laval, Châteauroux, Saint-Lô, Bergerac, Montauban, Pau, Mâcon, La Rochelle… Le coordinateur de l’ouvrage collectif essentiel Les territoires perdus de la République (2002) – qui lui avait valu d’être ostracisé par une partie des médias – y estime que « le déni est largement responsable de la situation actuelle, entretenu par les classes dirigeantes […]. Avec ce paradoxe qu’il n’y eut jamais autant qu’aujourd’hui de contemporains conscients du naufrage de cette société et qu’en même temps, jamais l’État n’est apparu aussi entravé pour endiguer le “cours des choses”, ce “cheminement vers la catastrophe”, selon le mot de Walter Benjamin ».
Violence anthropologique
Et l’auteur de résumer en quelques mots le cœur du non-dit contemporain : « Là où la plupart des politiques voient dans le compromis une société parvenue à l’âge adulte, leurs ennemis, eux, y voient une preuve de faiblesse. » Que la violence inscrite au cœur de la nature humaine – et l’anthropologie chrétienne aurait bien des choses à dire à ce sujet… – puisse profiter de la faiblesse collective pour se déchaîner, voici qui est absolument inaudible dans une société largement façonnée par les idéaux rousseauistes qui – au-delà de la question de leur pertinence – ne parlent absolument pas à une large frange des personnes issues de la culture arabo-musulmane, qu’elles soient ou non de nationalité française. Affirmer cela, c’est commettre un amalgame assumé, car assurément, le mouvement que l’on a pu observer n’avait rien de prolétarien, et presque tout d’ethnique.
« C’est aussi une guerre pour la maîtrise du territoire qui se dévoile sous nos yeux », écrit ainsi Mathieu Bock-Coté, toujours dans Le Figaro (30/06).
« La présente séquence met […] en scène des populations qui ne croient pas appartenir au même peuple », note-t-il par ailleurs.
Déni du réel
À la question de savoir pourquoi le massacre de la jeune Lola, en octobre 2022, a donné lieu à un traitement médiatico-politique si différent que celui suscité par la bavure qui a conduit à la mort de Nahel – pour résumer : la mort de Lola serait un fait divers ; celle de Nahel révélatrice d’un « racisme systémique » –, Laurent Obertone – auteur de La France Orange Mécanique – pointe la responsabilité des élites sur CNews (01/07) : « C’est une réalité qu’ils ne veulent pas voir […]. Ils ne veulent surtout pas que les Français connaissent la réalité de l’insécurité de ce pays […]. Ces émeutes, ces exactions, ça se passe tous les jours en France depuis très longtemps et on refuse de le voir […]. Avant les émeutes, on était à plus de 120 agressions à l’arme blanche tous les jours en France. »
Irénisme et réalisme
Que faire alors ? À supposer qu’il ne soit pas trop tard ?