Louis Salleron, témoin essentiel du XXe siècle - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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Louis Salleron, témoin essentiel du XXe siècle

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Je n’aurais pas la prétention de rendre vraiment compte de la biographie considérable que Sœur Ambroise-Dominique Salleron vient de consacrer à son grand-père, Louis Salleron. Elle a réalisé un admirable travail, qui nous restitue la figure et l’itinéraire d’une personnalité qui a traversé le XXe siècle, en affrontant tous ses défis intellectuels, politiques, sociaux, religieux. C’est dire qu’en retraçant une existence, elle l’a remise en situation historique, ce qui permettra à ses jeunes lecteurs de prendre connaissance d’une période dont ils n’intègrent pas nécessairement tous les enjeux et la complexité. Chrétien fervent Né dans une famille catholique, Louis Salleron est d’abord un chrétien fervent. Il le fut du début à la fin. Ses jeunes années sont marquées par une formation où raison et foi sont sans cesse en résonance. Avec la grâce d’avoir trouvé un père spirituel exceptionnel en la personne de Dom Gaston Aubourg, issu de l’abbaye de Solesmes. Mais le jeune homme, qui préside les étudiants de l’Institut catholique de Paris, va vivre avec douleur la condamnation de l’Action française. Exclu de l’Institut par son recteur, le futur cardinal Baudrillart, il se retrouvera professeur dans la même maison, de par la volonté de celui qui l’avait renvoyé. Il y tiendra, de 1937 à 1957, une chaire d’économie politique, conforme à ses compétences et à son désir de développer la doctrine sociale de l’Église. Certes, Louis Salleron apparaît comme la figure typique du catholicisme de droite, qualifié aussi par la suite de traditionaliste. Mais, au-delà des étiquettes, il est utile de comprendre à quelle densité de pensée correspondent les choix temporels d’un homme de cette culture. De ce point de vue, son face-à-face avec Maritain, qui s’est détaché, lui, de cette droite, vaut la peine d’être étudié avec soin. Le philosophe thomiste a choisi, selon Salleron, une option de gauche, parce qu’il est persuadé « que les mouvements de gauche sont la réalité vivante de l’Histoire qui se fait, qu’à cet égard cette réalité est bonne, mais que déviée par de fausses philosophies, il faut lui apporter l’Évangile pour la rendre excellente. Il ne parle plus que d’idéal historique concret, qui signifie, dans son esprit, la conversion à la philosophie chrétienne d’une société en devenir dont l’axe de développement est, si l’on peut dire, à gauche. » Le choix de Salleron va à l’inverse, ce qui ne signifie pas que la tâche de définir un idéal concret soit plus facile. On le verra bien avec l’expérience de Vichy, dont Salleron est participant sans qu’il y ait jamais eu de sa part la moindre tentation collaborationniste. Sa tentative de créer une organisation corporative de l’agriculture ne sera pas couronnée de succès, notamment en raison de l’étatisation du projet. Cela n’empêche pas que l’envergure de l’économiste sera reconnue par des spécialistes aussi éminents qu’un François Perroux ou un Alfred Sauvy. Adversaire du progressisme La dernière partie de la vie de Louis Salleron sera forcément marquée par le concile Vatican II, et surtout ses suites. C’est alors qu’il pourra être considéré comme l’adversaire-né d’un progressisme dont il dénoncera avec fougue tous les travers. Mais on peut dire que nous ne sommes pas encore sortis des controverses et de la crise qui ont tant retenu le journaliste et l’écrivain. C’est pourquoi on aurait grand avantage à ne pas négliger tout ce qu’il a pu apporter au dossier, en l’enrichissant. Cependant, pour moi qui ai eu la chance de l’approcher en quelques occasions, je puis dire que la biographie réalisée par sa petite-fille restitue au mieux le souvenir d’un témoin essentiel du XXe siècle.
—  louis_salleron-livre.jpgSœur Ambroise-Dominique Salleron, Louis Salleron, artisan du bien commun, Via Romana, 510 p., 29 €.