Élu pape le 7 janvier 1566, le cardinal Michele Ghislieri, dominicain, prit le nom de Pie V. Le 11 avril 1567, il proclame, par la bulle Mirabilis Deus, saint Thomas d’Aquin docteur de l’Église. Aujourd’hui, nous ne serions pas trop stupéfiés par un tel acte : nous nous sommes habitués à ce que, de temps à autre, un pape proclame un docteur de l’Église. Mais, pour comprendre l’importance et la résonance de cet acte, il faut considérer que, alors que l’Église existait depuis plus de mille cinq cents ans, cela ne s’était jamais vraiment produit.
Certes, en 1295, le pape Boniface VIII avait attribué, dans la décrétale Gloriosus Deus, ce titre à ceux que, dans l’Église latine, on nommait Pères mais aussi docteurs de l’Église et qui étaient – c’est le pape qui les énumère – les saints Grégoire le Grand, Augustin, Ambroise et Jérôme : cela, semble-t-il, n’avait soulevé aucun enthousiasme particulier ni suscité aucune controverse, parce qu’il ne s’agissait que de la consécration d’un état de fait. Le propos de la décrétale n’était pas, en premier lieu, de décerner à ces saints le titre de « docteur », mais de prescrire à toute l’Église la célébration de leur fête selon l’officium duplex des fêtes des apôtres, des évangélistes « et aussi des docteurs de l’Église ».
Hérésies anéanties
Par la bulle Mirabilis Deus, en revanche, saint Pie V entend proclamer de façon spécifique l’attribution à saint Thomas d’Aquin du titre de docteur de l’Église, en ordonnant que sa fête soit célébrée comme fête d’obligation dans le royaume de Naples et « ailleurs, comme est célébrée la fête des quatre autres docteurs de l’Église catholique ». Le motif de cette agrégation de saint Thomas aux quatre docteurs de l’Église – agrégation immortalisée par une fresque du premier cloître de notre couvent de Sainte-Marie-sur-la-Minerve, à Rome – est ainsi énoncé par saint Pie V : « Puisque la providence de Dieu tout-puissant a fait que, depuis que le docteur angélique a été compté au nombre des habitants des cieux, la force et la vérité de sa doctrine ont anéanti de nombreuses hérésies pleines de confusion, comme cela s’est manifesté souvent déjà et, récemment, de façon évidente, dans les sacrés décrets du concile de Trente, nous ordonnons que la mémoire de celui qui, par ses mérites, délivre quotidiennement la terre entière d’erreurs funestes, soit vénérée avec une gratitude et une piété encore plus grandes qu’auparavant » (bulle Mirabilis Deus).
On pourrait facilement multiplier les citations des papes de l’époque moderne en l’honneur de saint Thomas. Notons cependant que, si ces papes se montrent prodigues dans l’emploi des superlatifs, ils ne se soucient guère de justifier cette prodigalité. Mais, avec Léon XIII – pape de 1878 à 1903 –, les choses changent.
