Je ne me décernerais pas le titre de « bon catholique », et si le pape François voulait examiner mon cas, il y trouverait de nombreuses imperfections. J’avance cela car j’ai entendu ce qu’il avait à dire sur des gens qui me ressemblent. Je ne suis pas non plus sûr de mon jugement à son égard. Il a dit des choses nouvelles et exposé pas mal de « surprises ». Pourtant, pour ce que j’en sais, il y a en lui la foi la plus incontestable, bien qu’elle puisse sembler hétérodoxe en apparence.
Mais voici la plus grande surprise. L’orthodoxie et la tradition sont elles-mêmes soutenues par des habitudes de l’esprit que nous sommes incapables de comprendre. Nous jugeons inéquitablement les croyances d’un homme quand nous imaginons qu’il est exactement comme nous.
Peut-être que mon opinion la plus grincheuse est que tous les catholiques, et au-delà tous les croyants quelle que soit leur foi, sont des hérétiques.
Ce serait la conséquence inévitable d’essayer de penser comme pense Dieu, en termes qui par nature et supernature ne sont pas, et ne peuvent pas être, le discours de Dieu.
Quiconque a, par exemple, essayé un jour de traduire de la poésie simplement humaine en une autre langue – disons l’anglais – en aura découvert l’impossibilité.
Nous pouvons – rarement – transformer un envol poétique en un autre. Mais dans ce cas, nous traduisons quelque chose qui se trouve au-delà de l’atteinte du traducteur. Nous pouvons communiquer le sens de l’original, si ce n’est que nous touchons seulement à un moment d’un tout kaléidoscopique.
Ce que je peux dire pour ma part c’est que je n’ai pas l’intention d’être hétérodoxe, ou d’entacher la vérité de quelque manière que ce soit. J’essaie, avec de grandes difficultés, de faire passer la véritable signification, et quand j’en suis incapable, au moins une autre forme de vérité.
Ce qui, dans notre monde humain et notre vie, est la foi qui nous est accessible.
Au contraire, la descente dans l’arène politique promet une vie de facilité. Quand nous avançons, ou au contraire bravons, des instructions environnementales, des arrangements synodaux ou d’autres questions de politique, nous traitons de simples choses. Même un marxiste peut bien comprendre à la fois les principes du marxisme et ceux d’autres philosophies politiques. Son unique tâche est d’être objectif ; et j’ai vu des professeurs d’université vraiment radicaux accomplir cela.
Mais j’approche le raisonnable de façon désinvolte. Deux plus trois font cinq, et nous pouvons le savoir. Une propriété peut être détenue par un individu, par une société ou par l’état. La sanction d’un meurtre peut être la pendaison ou la médaille militaire, mais quoi qu’il en soit, l’auteur sait généralement ce qui va se passer. La justice, pour lui, est de recevoir la récompense qui lui est promise. Sa victime a peut-être espéré la même chose.
La loi morale nous a été donnée, dans le catholicisme et dans d’autres religions, en termes politiques nets et tranchés. Vous faites ceci, vous obtenez cela, dans ce monde, par le commandement du Seigneur, si ce n’est que la conclusion légale n’est pas celle du Seigneur.
Selon moi, seul le christianisme présente la faute morale non comme quelque chose de relatif, comme qui l’a commise et envers qui, mais comme finalement mystérieuse et inexplicable.Il y a des circonstances dans lesquelles une chose qui était reconnue comme un crime grave devient soudainement la chose à faire. La guerre et parfois la vie citadine présentent des casse-tête de ce genre.
La politique est un timide équivalent de la guerre. Par nature, elle invite à une sorte de corruption morale, par laquelle ce qui ne devrait pas être infligé sans raison à un autre se voit donner une raison arbitraire. Le politicien peut argumenter qu’il a fait telle chose pour soutenir l’économie, ou pour hâter la réussite, ou pour être du bon côté de l’histoire, ou toute autre raison.
Les règles de la bienveillance personnelle ne s’appliquent pas quand la politique entre en scène. La probabilité d’être juste n’existe généralement pas, car cela ralentirait l’avance du progrès. Les lois morales les plus évidentes seront remises en question si ce faisant quelque chose peut être gagné.
Par exemple, la tradition, dans tous les points de vue religieux, continue de penser, non seulement que les mariages ne devraient être célébrés qu’entre des hommes et des femmes, et normalement entre deux individus seulement, mais de plus qu’il y a des hommes et des femmes, et ce depuis la naissance. Douter de cela fait glisser le monde dans le chaos et renverse de nombreuses choses installées depuis longtemps : c’est un acte fanatique.
Je continue de faire confiance instinctivement à Jésus-Christ, et au-delà, pour plus amples renseignements, à l’Écriture, aux Pères de l’Église, aux poètes et philosophes scolastiques et contemplatifs, pour trouver des indications sur ce que ma religion commande. Je me suis toujours un peu méfié des évêques et autres représentants officiels de l’Église quand ils professent des opinions qui sont davantage l’expression d’une mode politique que d’une autorité religieuse.
Par conséquent, ma religion prime sur ma politique.
Cette opinion ne peut pas changer beaucoup au fil du temps, et n’a pas fondamentalement changé durant les siècles d’existence de l’Église ; cela me donne une certaine confiance. C’est une vision du monde qui peut être reconstruite et a été reconstruite après les désastres de l’histoire.
Le péché a toujours été sujet à controverse et de fait, quand on fixe des limites au mal, on est sûr d’exciter l’opposition de ceux qui pratiquent le mal.
Car en religion, comme en science, il y a de nombreuses vérités sur le cosmos que nous ne pouvons voir et ne serons pas capable de voir durant cette vie. Nous devons nous contenter de descriptions métaphoriques. La Bible elle-même, doit, dans de nombreux passages, être lue de façon non littérale. Un lecteur intelligent devinera desquels il s’agit, de mieux en mieux en prenant de la maturité.
Et il se méfiera de la politique, des méthodes politiques et des limites du jugement politique, dans l’Église comme hors de l’Église. Il ne désirera pas faire de la politique le fondement de ses jugements sur le bien et le mal ni n’autorisera les politiques à lui dire « ce qui doit être fait ». Un certain degré de jugement humain est généralement nécessaire pour distinguer les actes profondément sensés des actes profondément insensés, mais la faculté de distinguer transcende les castes et les croyances.
C’est là où la politique – le souci de la polis – requiert la tradition religieuse. Un peuple, dans la mesure où des milliers ou des millions sont considérés comme un groupe, devrait chercher la protection de Dieu de cette manière.