En dépit d’une actualité bien pleine, abondamment commentée par les confrères – on aura reconnu l’affaire de la réforme des retraites – j’ai envie de m’emparer du sujet que m’offre La Croix. En effet, le quotidien consacre une page entière à l’étude des archives du pontificat de Pie XII. Dieu sait que depuis le scandale du Vicaire, cette pièce de théâtre à charge contre le pape de la Seconde Guerre mondiale, on n’a cessé de gloser sur ce qu’on a appelé « son silence ». Les campagnes de presse se sont succédé, des livres à sensation ont paru, tel celui qui affichait en titre Le pape d’Hitler. Il était difficile de garder raison face à ce qui était plus que des outrances, des mensonges flagrants, des forgeries éhontées.
Paul VI avait demandé à une équipe de jésuites de s’attaquer au sujet, en travaillant sur les archives dont il avait permis l’ouverture, en dérogation de certaines règles bien établies. Il était évident que ce ne pouvait être la totalité des archives, avec des millions de pièces, qui pouvait être étudiée en quelques années. Mais je pense que le choix, qui correspondait au cœur de la documentation, ce qui touchait à l’action du pape lui-même était déjà suffisamment éclairant. Maintenant que c’est la masse complète des archives qui est à la disposition des chercheurs, l’horizon s’élargit singulièrement. Il faudra du temps pour en tirer toutes les conclusions intéressantes.
Mais je m’étonne que l’on ait fait peu d’écho à un aspect tout à fait particulier de la conduite de Pie XII face à Hitler. Un historien américain a publié une étude précise sur ce qu’il appelle « la guerre secrète de Pie XII contre Hitler », qui a été traduite en français en 20151. Qu’explique-t-il ? Ce fait sidérant : de 1939 à 1945, le pape s’est associé à une entreprise dont le but était tout simplement la suppression physique d’Hitler. Il ne s’agit pas de spéculations hasardeuses, mais d’une enquête minutieuse qui s’appuie sur des documents incontestables, des témoignages directs de ceux qui participèrent à cette entreprise qui échoua de peu. Pourquoi cet étrange mutisme à propos d’une affaire exceptionnelle dans l’histoire de la papauté ?