Les dons du Saint Esprit - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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Les dons du Saint Esprit

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Annonciation, XVIIe siècle, Mattias Stom

Annonciation, XVIIe siècle, Mattias Stom

La joie de Noël est enracinée dans le don que Dieu fait de son Fils à l’humanité. Mais la naissance du Christ n’est que la première étape d’un acte de rédemption qui culmine avec Sa mort, sa résurrection, son ascension à la droite du Père, et l’envoi qu’Il nous fait du Saint Esprit par qui « l’amour de Dieu est répandu dans nos cœurs. » (Romains V, 5)

Le mot « grâce » vient du latin gratia qui veut dire « cadeau ». Le plus grand cadeau que Dieu nous fait est son Fils, et ce don est « ce qui nous fait vivre ». Dans l’évangile de Jean, après que Jésus ait lavé les pieds de ses disciples, Il leur dit qu’il doit « s’en aller » mais que c’est « pour leur bien ». Parce que s’Il ne s’en va pas, « le Paraclet ne viendra pas ». Mais s’Il s’en va, dit-Il, « Je vous l’enverrai ». (Jean XVI, 7) Plus tôt, Jésus avait identifié « le Paraclet » comme « l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom ». (Jean XIV, 26)

Si Jésus « ne s’en était pas allé » nous aurions continué à attendre de Jésus qu’Il fasse tout pour nous – « Jésus, guéris ces malades » ; « Jésus, nourris ces pauvres gens » ; « Jésus, prends soin de nous » – alors que nous devons devenir membres du Corps du Christ. Nous sommes les yeux du Christ, et Ses oreilles et Ses mains maintenant. C’est nous qui guérissons les malades, qui nourrissons les pauvres, qui répandons la bonne nouvelle de l’amour de Dieu ; Nous qui devenons les instruments de la grâce de Dieu.

Nous devenons Alter Cristus, « un autre Christ », « des fils adoptifs » du Père. « En effet, ceux-là sont fils de Dieu qui sont conduits par l’Esprit de Dieu ». (Romains VIII, 14) « Et fils vous l’êtes bien : Dieu a envoyé dans vos cœurs l’Esprit de Son Fils ». (Galates IV, 6)

Selon la compréhension chrétienne, la vie morale est une participation à la vie trinitaire de Dieu – l’éternelle triple communion de l’amour qui a existé de toute éternité. Et au cœur de ce que nous appelons « la grâce », il y a le don de l’Esprit qui nous donne part à cet éternel triple amour.

Toutefois, je crains que nous pensions parfois à la « grâce » comme si c’était quelque chose comme une baguette magique qui, de grenouille, nous transforme en prince, ou comme l’araignée radioactive qui change Pierre Parker en Spiderman – comme si quand la grâce de Dieu infuse en nous, nous éclations de sagesse, une lumière émanant de nos yeux et de nos oreilles, et l’impureté du péché ne nous touchant plus et ne nous tentant plus.

Peut-être que quelque chose comme cela arrive à certaines personnes, mais qu’en est-il si rien ne se passe comme nous devrions nous y attendre ? Une longue tradition de sagesse dans l’Eglise dit que nous ne devrions pas confondre le travail de l’Esprit Saint et une certaine émotion, ou une expérience particulière. La grâce de Dieu travaille souvent selon des chemins invisibles et insoupçonnables, juste comme le don de Dieu en la personne de Son Fils est passé majoritairement invisible et inaperçu.

Ainsi, par exemple, qu’en est-il si le travail de la grâce dans nos vies est aussi invisible, et inaperçu que l’accroissement de l’amour dans nos cœurs ? Les couples mariés grandissent dans l’amour. Mais s’ils le contrôlent jour après jour, ils ne remarqueront probablement pas de changement. Toutefois, s’ils se consacrent simplement au bien-être et au bonheur l’un de l’autre, ils se réveilleront un jour pour réaliser que leur amour a grandi – l’amour qui les a poussés à se dévouer l’un à l’autre au début.

Parfois, les parents racontent que, lorsqu’ils avaient regardé le visage de leur bébé nouveau-né, ils en étaient tombés amoureux et cela avait changé leurs vies. Et cependant, ce changement consécutif de vie – passant de l’égocentrisme à la générosité et au soin de l’autre – se produit généralement au cours des semaines et des années, et d’habitude, comporte beaucoup moins de « cette chaude émotion » du début. Mais le Saint Esprit est là à travers la lutte, et change le cœur de cette personne, petit à petit, au cours du temps.

Parfois, nous faisons une autre erreur, celle d’imaginer que la grâce de Dieu fonctionne toujours instantanément, comme un éclair envoyé par Zeus. Mais il y a de bonnes raisons pour que nombre des paraboles de Jésus parlent de plantation de semences et de saisons pour croître.

Il y a des années, une de mes étudiantes a demandé à la philosophe Alasdair Mac Intyre comment elle pourrait acquérir des vertus, compte tenu du fait qu’elle ne connaissait personne qui les possédât. Mac Intyre a suggéré qu’elle pouvait rejoindre soit les Marines, soit une flotte de pêche de Nouvelle Angleterre. La clé était de travailler avec d’autres dans une situation où sa sécurité et son bien-être dépendraient de leur façon de faire leur travail, et leur sécurité et leur bien-être dépendrait de sa façon de faire son travail. C’est une réponse intéressante bien que pas toujours réalisable.

Dans la théologie chrétienne toutefois, en plus des vertus acquises, nous avons une tradition de ce qu’on nomme les « vertus infuses ». Quand nous reconnaissons que nous n’avons pas ces vertus, nous pouvons prier pour les acquérir. Il se peut que mon éducation ne m’ait pas appris le courage ou la sagesse ou l’empathie (et c’est le cas), mais je peux prier pour les acquérir. Cela ne veut pas dire que je doive m’attendre à me réveiller demain en éclatant de courage, de sagesse ou d’empathie. Cela ne veut pas dire non plus que je n’ai plus besoin de me donner du mal pour grandir dans ces mêmes vertus.

La grâce ne violente pas la nature, mais elle la perfectionne. Dieu ne réalise pas ce changement en nous sans nous. La grâce n’est pas magique ; c’est l’amour qui prend racine et croit avec le temps pour transformer ceux qui, comme la Vierge Marie, lui disent « oui ».

Si cette grâce fait son travail en nous, nous ne le sentirons, ni ne le remarquerons même pas forcément. Cela pourrait apparaître d’abord comme quelque chose de très naturel, comme la naissance d’un enfant. Mais n’est-ce pas une des leçons de Noël : que la grâce vienne dans le monde presque sans qu’on la remarque, dans des endroits et de manières que nous n’aurions jamais soupçonnés, et porte du fruit de façon bien supérieure à nos espoirs les plus grands ?

Si nous décidons de nous consacrer au bien-être et au bonheur les uns des autres, la grâce de Dieu est déjà à l’œuvre en nous. Si nous nous dédions à cela, cet amour grandira. On a seulement besoin d’avoir un peu la foi.