L'ancien et le nouveau - France Catholique
Edit Template
« Ô Marie conçue sans péché »
Edit Template

L’ancien et le nouveau

NDT : Ce texte est paru le 30 décembre, donc avant la mort de Benoît XVI, mais les réflexions qu'il porte sont toujours d'actualité.
Copier le lien
benoit_xvi_ancien-nouveau.jpg

© M.Mazur/www.thepapalvisit.org.uk

De Rome nous vient la nouvelle que le pape émérite Benoît XVI est très malade. Je n’ai pas d’éclairage particulier sur la gravité de sa maladie, mais le fait que le pape François ait publiquement demandé que chacun prie pour lui suggère que la situation est sérieuse. Benoît a 95 ans ; nous ferions bien de prendre à cœur l’exhortation de François.

La tâche de l’évêque de Rome, et la tâche d’un évêque en général s’est considérablement développée au cours du denier demi-siècle. Les descriptions théologiques de la tâche épiscopale par le Concile Vatican II – notamment dans Lumen Gentium et Christus Dominus – en sont des exemples frappants.

Ensuite il y a eu les changements de style effectués par les récents papes : Paul VI a été le dernier a faire usage de la tiare papale ; Jean-Paul I a été le dernier à être porté dans la sedia gestatoria, et encore était-ce à contrecœur ; les voyages sans précédent de Jean-Paul II ont transformé l’évêque de Rome en une sorte « d’évangélisateur en chef » ; Benoît XVI a abdiqué, prenant le titre de « pape émérite » ; François a quitté le palais apostolique pour la Maison sainte Marthe ; et ainsi de suite.

Certains de ces changements sont plus significatifs que d’autres. Mais chacun, à sa façon, donne un exemple et une espérance aux autres évêques partout dans le monde. Peut-être que le changement le plus marquant et le moins remarqué dans la responsabilité des évêques (y compris celui de Rome) est le fait qu’ils vivent plus longtemps. Pour cette raison, la décision du pape Benoît, en 2013, de se démettre de ses fonctions, se fait remarquer, à la fois par égard pour la papauté mais également parce que cela attire l’attention sur le nombre élevé et croissant d’évêques émérites.

La fonction d’évêque émérite telle que nous la connaissons aujourd’hui n’a pas vraiment existé avant 1970 quand Paul VI a mis en place un âge obligatoire de retraite pour les évêques. (Paul VI a également mis un âge limite de 80 ans pour les cardinaux électeurs aux conclaves.) Avant 1970, les évêques (et pas seulement les papes) servaient habituellement pour la vie. Ce n’est plus ainsi de nos jours.

Aujourd’hui il y a (si je compte correctement) 169 évêques émérites rien qu’aux États-Unis. La grande majorité d’entre eux sont retraités en raison de l’âge – l’âge obligatoire de retraite étant 75 ans. Certains prennent leur retraite plus tôt pour raisons de santé. D’autres encore pour des raisons qui n’auront probablement jamais une explication officielle.

[…]

À mesure que le nombre d’évêques émérites augmente, il vaut la peine de considérer comment la perception, voire la théologie de l’épiscopat pourrait également changer. La consécration épiscopale est indélébile. Les évêques sont « des pères dans le Christ » comme l’indique Lumen Gentium. Un évêque est « choisi pour la plénitude de la prêtrise ».

Qu’est-ce que cela veut dire pour un père que « prendre sa retraite » ? Bien plus, quel changement subtil dans la compréhension de sa vocation si un homme peut « se tourner vers l’avenir » en abandonnant le fardeau de sa charge par la retraite ? Comment l’exercice de sa charge change-t-il si ce n’est plus une vocation à vie mais seulement jusque la retraite ?

Comment cela peut-il modifier – pour le meilleur ou pour le pire – les priorités pastorales et les initiatives d’un évêque quand il sait plus ou moins quand il quittera son office ? Comment cela façonnera-t-il ses décisions, quels défis cherchera-t-il à relever, quels autres laissera-t-il à son successeur ?

Ce ne sont pas rien que des questions pour les cyniques. Elles ont de l’importance pour les évêques maintenant. La plupart des évêques peuvent espérer se retirer et vivre environ une décennie après la fin de leur ministère actif. C’est une réalité relativement nouvelle dans la vie ecclésiale et cela mérite une réflexion poussée.

Des changements réguliers et assez prévisibles dans l’épiscopat sont désormais la norme. Ici aux États-Unis par exemple, les années à venir vont amener des changements significatifs.

Il y a actuellement [aux États-Unis] dix évêques, archevêques et cardinaux qui restent en place bien qu’ayant dépassé l’âge obligatoire de mise à la retraite. […] Ce sera le cas de six autres évêques durant l’année à venir. Avant la fin de 2024, […] 15 autres évêques auront atteint l’âge de la retraite.

Dans deux cas, le diocèse de Providence et celui de Great Falls-Billings, des coadjuteurs ont déjà été nommés pour remplacer les titulaires. Trois autres sièges sont actuellement vacants. Cela fait un total de 12 archidiocèses, 21 diocèses et une éparchie qui peuvent s’attendre à avoir de nouveaux pasteurs dans les années qui viennent. À la fin de l’année 2024, les échelons supérieurs de l’épiscopat auront un visage très différent.

Et ce n’est pas seulement le cas aux États-Unis.

Le pape François lui-même vient juste de passer les 86 ans. Il est plus âgé que Benoît lorsqu’il a abdiqué, ce qui fait de François un des plus vieux papes de la papauté. La naissance du pape François (1936) est plus proche de la dissolution des États Pontificaux (1870) et de la Guerre de Sécession (1861-1865) que d’aujourd’hui. Nous sommes à un conclave (ou peut-être deux) d’avoir un pape qui ne serait même pas né à l’ouverture de Vatican II en 1962. Il y a déjà maintenant neuf membres du Collège Cardinalice qui sont né durant ou après le Concile. Le plus jeune est né en 1974.

Il y a depuis longtemps des spéculations : François suivra-t-il le précédent créé par Benoît et abdiquera-t-il ? Il déclare qu’il ne l’envisage pas [pour le moment], mais il ne l’a pas exclu non plus. Mais dans un cas comme dans l’autre, dans un temps assez proche, il y aura un nouvel évêque à Rome. Alors prions pour l’évêque de Rome : l’actuel, l’évêque émérite, et même celui qui sera le prochain évêque de Rome – qui qu’il puisse être et quelle que puisse être sa date d’entrée en fonction. Tous trois en auront besoin.