Parmi toutes les controverses de ces jours-ci autour de la liturgie catholique, il y a une question centrale : Quels sont les objectifs de la liturgie ? Les arguments semblent souvent une simple question de goût. « Les traditionnalistes » dans cette perspective, préfèrent simplement le rythme sonore du latin, ainsi que la beauté du chant grégorien. En revanche, ceux qui préfèrent la messe de Paul VI, se sentent plus à l’aise dans la langue profane et son atmosphère moins formelle. Ces catholiques aiment sans aucun doute son côté familier. Les traditionnalistes préfèrent expérimenter ce qu’ils n’ont pas l’habitude de rencontrer dans la vie de tous les jours.
Mais la vraie question demeure : A quoi sert la liturgie ?
Les pères de l’Eglise qui, en tant qu’évêques, présidaient la liturgie quotidienne, ont souvent mentionné dans leurs écrits la présence des hôtes célestes lors des cérémonies publiques de l’Eglise. Ils l’ont fait dès les premiers jours d’existence de l’Eglise, car la coutume juive qui, priant pour les morts, faisait mémoire de leur présence continuelle parmi les vivants, s’est transmise au christianisme. Contrairement à d’autres traditions juives, dont l’observance dans la durée a provoqué disputes et divisions (telle que la circoncision) la prière juive pour les morts est passée sans heurts dans le régime de la prière chrétienne.
De plus, les préceptes juifs du premier siècle ont influencé la notion chrétienne d’espace sacré. Comme les juifs contemporains, les chrétiens se réunissaient souvent pour prier sur les tombes des défunts, surtout les tombes des martyrs. Les vivants prenaient soin de recueillir les dépouilles des morts et de bien marquer le lieu de leur dernier repos.
De même que les Pères de l’Eglise réfléchissaient sur les invocations liturgiques pour les morts (il est à noter que cette pratique a généralement précédé dans l’histoire de l’Eglise, la spéculation qui a eu lieu plus tard sur ce sujet) ils insistaient sur le fait que la liturgie était une image du Ciel même.
Saint Augustin écrivait que lors de la liturgie, les anges, les saints et ceux qui allaient naître se rejoignaient tous dans le grand acte de la prière au Dieu trinitaire, comme si les fidèles défunts se tenaient auprès des vivants de chaque côté de l’autel du sacrifice dans le sanctuaire.
Le grand penseur scientifique Origène était d’accord : « Je ne doute pas que les anges soient présents dans notre assemblée ». De même, il a enseigné dans son commentaire sur le psaume 22 que le culte « rend présent ce qui s’est passé autrefois comme si nous contemplions vraiment Notre Seigneur sur la croix ».
Environ une génération après la mort de Saint Augustin, le pape Saint Léon 1 a prêché que « nous expérimentons (ce que Jésus a fait) dans la puissance des activités actuelles ».
Au seizième siècle, Saint Ignace de Loyola nous recommandait de nous imaginer vraiment présents dans les scènes de la vie de Jésus – Sa nativité, Son enseignement dans le grand sermon sur la montagne, au Calvaire, et parmi les disciples quand Thomas sondait Ses blessures de ses mains, et répliquait : « Mon Seigneur et mon Dieu ».
Ainsi, tout au long de l’histoire, la liturgie servait d’anamnèse aux chrétiens, de souvenir de lieux et d’époques éloignés comme s’ils étaient présents ici et maintenant.
Saint Augustin et Saint Léon ont aussi insisté, comme l’a fait le pape Clément trois siècles plus tôt, sur le fait que Parole et Sacrement ont leur mot à dire, c’est-à-dire que les paroles et les gestes adéquats sont plus que des symboles. Ils ont du pouvoir.
Quand les disciples ont demandé à Jésus de leur enseigner à prier, Il n’a pas répondu qu’ils devraient dire tout ce qui leur passe par la tête ou par le cœur, mais plutôt « Notre Père ». Depuis lors, les catholiques ont privilégié certaines prières plutôt que d’autres.
Ils se sont appuyés particulièrement sur l’intercession de la Mère bénie, avec le Memorare, le Salve Regina et le chapelet.
Bien sûr, la messe elle-même était et est toujours l’expression la plus grande de la supplication, de la louange et de l’action de grâce.
La célébration eucharistique présente l’unification du temps et de l’espace. Dans un effort pour expliquer le culte chrétien à l’empereur romain, le martyre saint Justin enseignait que le fidèle recevait une personne vivante « eucharistisée » (sa propre parole) dans le pain et le vin. Saint Irénée son contemporain, mais plus jeune, acquiesçait : le pain et le vin étaient la vraie chair et le vrai sang de Jésus Christ.
L’enseignement de ces deux hommes peut être rattaché à l’apôtre Jean, et ainsi, à Jésus lui-même. Aucun catholique, invoquant le passé, n’est qu’un « arriéré » (comme semble le penser le pape François), mais il est un croyant qui s’unit à l’enseignement des Douze et à la personne du Sauveur.
Une Eglise historique doit avoir un lien temporel avec le Jésus de Galilée et Jérusalem. Contrairement aux païens leurs contemporains, nos premiers ancêtres dans la foi offraient à Dieu un sacrifice « incroyable et sans tache ». Ce sont les paroles de la liturgie de Saint Jacques, le rite le plus ancien qui nous soit connu. On n’offrait plus en sacrifice à Dieu des agneaux, des colombes, du bétail ou d’autres animaux, mais Dieu Lui-même devenait le sacrifice, sous la forme du pain et du vin « eucharistisés ».
Aussi, la liturgie est-elle l’image du Ciel sur la terre. Quel cadeau inouï ! quelle incroyable invitation !
Les enchères ne pourraient être plus élevées, et nous devons les garder à l’esprit, dans le cœur et dans l’âme quand nous pensons au culte public de notre Eglise bienaimée. En effet, nous ne faisons pas seulement mémoire du sacrifice pascal, mais nous y sommes également présents.
La liturgie devrait nous mettre en présence du Divin, et élever nos âmes vers Dieu. Là, nous avons un aperçu du projet final de toutes nos vies, de son but final.