Une des leçons précieuses que les sciences économiques classiques peuvent nous enseigner, c’est qu’il y a toujours des compromis. Si vous faites des recherches sur un sujet, vous n’en ferez pas sur un autre. Vous pourrez voir le pont pour lequel vous aurez investi, mais pas les centaines d’autres choses qui n’auront pas été faites parce que vous aurez investi dans le pont.
Quand j’étais président du comité pour les programmes universitaires, il y avait des quantités de propositions claironnant de fantastiques nouveaux cours. Ma question était « Quelle activité allez-vous abandonner pour faire ceci ? » « Non, non, insistaient les gens, nous continuerons à faire toutes les choses merveilleuses que nous faisons actuellement. » « Non, vous ne le ferez pas, répondais-je. Tout le monde travaille à plein temps. Le seul moyen pour vous de faire toutes ces nouvelles choses est d’en abandonner certaines que vous faites actuellement. »
Cela ne s’est jamais bien passé.
Nous avons des étudiants dans des universités à travers le pays qui sont incapables d’écrire un paragraphe, de faire des maths basiques, ou de lire une quarantaine de pages relativement faciles dans un livre qui ne soit pas un roman. Personne ne leur a jamais demandé de suivre une argumentation, encore moins d’en formuler une. Et le peu qu’ils savent de la Constitution des Etats Unis et de l’histoire américaine est majoritairement faux.
Alors, qu’ont-ils fait de leurs douze années de scolarité ? Il est évident que cela n’a pas été douze ans d’entrainement sérieux à la lecture, à l’écriture et au calcul. Ils ont fait très peu d’histoire ou de littérature. Et ces jeunes ont peu, sinon aucune, connaissance des trésors de beauté que l’on peut trouver dans la nature, dans l’art, ou dans l’architecture. Je demande de nouveau, « Que faisaient ces étudiants pendant ces douze ans, au lieu de lire, d’écrire ou de faire du calcul, puisqu’il est évident qu’ils n’en faisaient pas autant qu’ils l’auraient dû. »
Le problème n’est pas très différent – et en un sens peut être pire -dans les écoles catholiques. Douze ans d’éducation « catholique », et si vous demandez aux élèves de compléter la triade : « Abraham, Isaac, et … ? » Ils ne savent pas. « Qu’est-ce que la Pentecôte ? » Regards vides. Demandez-leur la liste des dix commandements. Quatre-vingt-dix pour cent vont se tromper. Ils ne sont pas bien meilleurs pour la lecture, l’écriture et les maths que leurs homologues, et même pires en ce qui concerne les principes de base qui mènent au salut. Pendant ce temps, on leur a enseigné à assimiler à la justice sociale le progressisme.
Si vous engagiez des personnes pour prendre soin de votre cour, qu’ils travaillaient semaine après semaine, du lundi au vendredi, et qu’à la fin de l’année vous découvriez que le gazon n’avait pas été tondu, que les mauvaises herbes envahissaient tout, et que toutes les fleurs étaient mortes, vous pourriez vous en étonner « eh les gars, qu’est-ce que vous avez bien pu faire ? » Et s’ils vous montraient alors le feu de camp qu’ils avaient creusé dans le jardin, dont vous ne vouliez pas, puis les piles d’arbres qu’ils avaient abattus et que vous vouliez garder, vous comprendriez mieux ce qu’ils avaient fait pendant tout ce temps, mais vous continueriez peut-être à vous demander pourquoi ils l’avaient fait.
Et ceci nous rapproche du nœud du problème. A quoi sert l’éducation ? Quand nous imaginions que l’éducation commençait par le fait de se poser des questions, et consistait à explorer le monde, lire des livres de valeur, déchiffrer les subtilités complexes des maths, apprendre à réfléchir et à s’exprimer clairement et finalement, à comprendre notre relation avec Dieu, nous préparions bien les jeunes à une vie qui valait la peine. Maintenant que les bureaucrates insistent sur le fait que l’éducation consiste à préparer les gens à trouver un emploi et à devenir des citoyens « woke », nos étudiants non seulement ne sont pas préparés à trouver un emploi ni à être des citoyens, ils ne peuvent pas faire une longue division, ni lire Shakespeare ou les Écritures.
Notre société met l’emphase sur les moyens avant la fin. La malheureuse conséquence en est que nous aussi finissons par mettre l’emphase sur les moyens avant les personnes. L’éducation maintenant consiste davantage à exécuter les dictats des bureaucrates plutôt qu’à rendre vraiment profondément satisfaisant l’avenir des étudiants.
Les bureaucrates qui ne savent pas grand-chose, sinon rien de ce que c’est que d’enseigner se sentent très à l’aise pour dire aux professeurs comment faire leur travail. Avec chaque « nouvelle initiative éducative audacieuse » viennent davantage de formulaires à remplir par les professeurs, davantage d’interminables réunions d’évaluation, moins de temps pour l’instruction individuelle, et moins d’occasions de trouver des moyens créatifs d’enseigner les matières de base dont les élèves ont besoin.
Et, comme chaque professeur le sait, dès qu’un nouveau directeur ou un nouvel inspecteur d’école arrive, que ce soit dans une institution publique ou catholique, l’ancien/nouveau programme sera supprimé, et un autre nouveau programme audacieux verra le jour, accompagné de nouvelles directives à lire, de nouvelles « séances d’entrainement », de formulaires différents à remplir, et encore de réunions interminables pour s’assurer que tout le monde est complètement « au parfum » à propos du nouveau programme. Les résultats sont rarement meilleurs qu’avant, habituellement pires, mais cela n’a aucune importance parce que les administrateurs restent rarement longtemps, et sont mus par une idéologie plutôt que par l’expérience.
Alors, voici ma suggestion : Demandez aux personnes qui postulent pour être directeur de votre école ou inspecteur du système scolaire, à combien d’élèves il ou elle a fait la classe dans une véritable salle de classe. Non pas « combien de diplômes avez-vous » ou « combien de poste avez-vous exercé dans la haute administration ? » mais « à combien de vrais élèves avez-vous fait la classe ? » Personne ne devrait diriger des professeurs sans avoir soi-même exercé au moins dix ans une expérience réussie d’enseignement.
Les professeurs peuvent enseigner la lecture, l’écriture, l’arithmétique et les sciences de base aux élèves qui veulent apprendre. Quand nous essayons d’avoir des écoles qui font des centaines d’autres choses, ils finiront par n’en faire bien aucune. Les écoles n’ont pas été organisées et ne sont pas qualifiées pour être des centres de thérapie ou des départements de programmes sociaux. Ce ne sont pas non plus des églises. Malheureusement, de nombreuses écoles sont devenues des endroits où la société se débarrasse de tous les rebuts toxiques de ses dysfonctionnements culturels. C’est un poids que les écoles ne peuvent absolument pas porter tout en continuant à faire ce pour quoi elles ont été établies.
La tradition intellectuelle catholique des arts libéraux fournit des ressources inégalées dans le monde. Et à une époque où les écoles publiques s’autodétruisent, en courant après n’importe quelle mode éducative ou culturelle, l’Eglise catholique a une occasion incomparable d’introduire davantage de jeunes aux questions de cette tradition qui changent la vie. C’est une occasion que nous gaspillons régulièrement et pour laquelle nos enfants et nos petits enfants ne nous jugeront pas bien.