Dans toute crise, comme celle que connaît l’Église en France, il y a un appel. Appel à redécouvrir les vérités de la foi oubliées, voire niées. La première de ces vérités, c’est que le mal existe, que chacun le porte en lui depuis Adam et Ève. C’est la communion des pécheurs, pendant de celle des saints. « Une chrétienté, c’est (…) sale », écrivait Bernanos dans son Journal d’un curé de campagne : « Attendez le grand jour du Jugement, vous verrez ce que les anges auront à retirer des plus saints monastères, par pelletées – quelle vidange ! »
La seconde vérité oubliée, qui en est une conséquence, est que nous avons tous besoin de la Rédemption, seule à même de nous purifier du péché. Et cette Rédemption passe nécessairement par la Croix. L’écrivain anglais Chesterton, converti en 1922, explorait ainsi les raisons qui l’avaient fait devenir catholique. Et il répondait, en premier lieu, que c’était pour se débarrasser de ses péchés, faisant l’éloge de la confession.
Une crise de la croix
La crise de l’Église est une crise de la croix, pourrait-on donc dire, de l’acceptation même de la nécessité de la croix pour que l’homme soit sauvé. Avons-nous seulement conscience de ce besoin d’être racheté ? Comprenons-nous encore ce qu’est le Salut – qui est plus que la simple protection d’un Dieu qui offrirait un vague supplément d’âme, sans que cela nécessite un changement de vie, un effort, une ascèse ? En un mot : une conversion…
Certes, l’exigence de réforme est aujourd’hui largement admise et partagée, mais encore faudrait-il savoir – et que l’on nous indique – quelle direction prendre. Il n’est pas certain, en effet, qu’il faille chercher des boucs émissaires et jeter en pâture médiatique, tour à tour, les évêques, la doctrine, le célibat des prêtres, ou encore le sacrement de la confession… En revanche, la réponse de foi, elle, se fait toujours attendre, notamment depuis la privation ou les restrictions du culte lors des confinements. L’humoriste juif Gad Elmaleh, auteur d’un film qui sort le 16 novembre, Reste un peu, où il confie sa fascination pour le catholicisme1, ne cache pas son étonnement dans Le Figaro Magazine : pendant cette période, affirme-t-il, « j’aurais aimé être éclairé par des hommes de foi. (…) Les corps, les portefeuilles, ils ont géré, mais les âmes, fallait-il aussi les masquer ? ».
Ce que notre époque attend de l’Église, en creux, comme dans toutes les périodes de crise, c’est la sainteté, l’héroïsme. Et en régime chrétien, le seul héroïsme qui importe vraiment est celui de la croix, d’accepter de prendre et de porter la croix. C’est cet esprit qui animait les premiers croisés qui voulaient délivrer le tombeau du Christ, au péril de leur vie. Aujourd’hui, le tombeau du Christ n’est plus à délivrer ; il s’agit au contraire d’en redécouvrir les mystères sacrés, enfouis sous notre tiédeur et notre incroyance. Ces mystères, ce sont la messe, le sacrifice, et la croix – et la Vierge Marie qui nous fait entrer dans chacun d’eux.
Cet esprit de foi, il est aussi possible que ce soient les générations à venir qui le comprennent le mieux. Deux jeunes Italiens béatifiés récemment, Carlo Acutis, mort à 15 ans d’une leucémie, et Chiara « Luce » Badano, décédée à 18 ans d’un cancer, ont ainsi accepté de vivre saintement la maladie et l’approche de la mort, avec une espérance extraordinaire. Ils nous ouvrent le chemin.
- Voir aussi son entretien dans « En Quête d’Esprit » sur CNews le 6 novembre.