«J’ai œuvré pour la terre autant que pour le ciel. » Cette épitaphe, gravée sur la tombe de Fra Angelico, dans l’église dominicaine de la Minerve, où il est enterré à Rome, résume toute sa vie, de religieux et de peintre.
Sa vie, les historiens ne parviennent pas pourtant à en établir précisément le début : il naît en 1387, selon Vasari – qui rédige sa première biographie en 1568. Pour d’autres historiens, modernes, il serait né entre 1395 et 1400. Ce que l’on sait de manière plus sûre, c’est que le petit Guido di Pietro – Pietro est le prénom de son père – passe son enfance dans la campagne toscane, puis à Florence, dans une famille très modeste, sans doute de paysans. Le jeune homme entre dans l’atelier d’enluminure et de peinture sur bois de Lorenzo Monaco (1370-1424), moine camaldule, réputé pour la beauté et la densité spirituelle de ses œuvres.
C’est sans doute vers 1407 qu’il entre chez les dominicains « observants » du couvent de Fiesole, avec son frère Benedetto. Ce couvent est un lieu de résistance spirituelle, dans la période de grands troubles religieux du Quattrocento. Cette branche de l’ordre est issue de la réforme de purification et de retour à la pauvreté voulue par saint Dominique. Un mouvement de retour aux sources, initié par sainte Catherine de Sienne, tertiaire dominicaine, morte quelques années avant la naissance de l’artiste, elle aussi enterrée dans l’église de la Minerve.
Un désir de retour aux sources
Ce choix de Guido témoigne déjà de son aspiration à se vouer radicalement à Dieu, sans esprit de mondanité. Le jeune frère – Fra, en italien – prend le nom religieux de Giovanni. Ce n’est qu’après sa mort que le nom d’« Angelico » lui sera attribué. Commence pour lui une vie qui semble correspondre parfaitement à ses désirs profonds. « Il vivait dans la paix de l’âme et la paix de son couvent… Il n’entendait du dehors que des bruits optimistes, ce qui contribue à expliquer son optimisme. » Ces mots sont du peintre Maurice Denis – également grand critique d’art – dans sa magnifique somme Histoire de l’art religieux, publiée en 1939. La foi et sans doute le tempérament paisible de Guido, irrigueront toute sa peinture, empreinte d’une très grande douceur et de délicatesse, témoignage de sa pureté et de son intense contemplation des mystères divins. Après cinq ans de noviciat sans peindre – selon la règle –, Fra Giovanni reprend ses pinceaux. Ses supérieurs ont sans doute bien repéré son exceptionnel talent.
Sa vie de religieux et de peintre sera toujours intimement liée au contexte de son époque : en l’occurrence, le bouillonnement de la Renaissance spirituelle, philosophique, artistique et politique – qui se manifeste à Florence, plus que nulle part ailleurs.
Contemporain du sculpteur Donatello et de l’architecte Brunelleschi, Fra Angelico innove et développe son style qui restera unique. Pour cela, comme tous les grands, il reste profondément ancré dans l’enseignement des maîtres qui l’ont précédé. Cet héritier novateur accomplit un pont entre deux mondes : la fin du gothique – avec son maître Monaco, mais aussi Giotto, qui, de son lointain XIIIe siècle, demeure le modèle inégalé – et l’éclosion de la Renaissance. Il répond ainsi, selon Maurice Denis, à l’idéal de l’artiste : « Ses expériences sont subordonnées aux acquisitions antérieures, à ce qui a été reconnu bon et beau et vrai avant lui. »
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