Le mal et le remède - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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Le mal et le remède

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« Le Pharisien et le publicain » (détail) par Barent Fabritius, 1661.

« Le Pharisien et le publicain » (détail) par Barent Fabritius, 1661.

Dieu merci, je ne suis pas comme le Pharisien ! Cela pourrait être notre première réaction à la prière arrogante du Pharisien orgueilleux (Luc 18:9-14). Mais si nous tombons dans cette forme de pensée, nous commettons le même péché que le Pharisien, révélons la nature envahissante de l’orgueil et démontrons pourquoi nous devrions donner davantage d’attention au publicain qu’au Pharisien.

Considérons combien l’orgueil est considérable et omniprésent. C’est le péché de Satan, la pensée qu’il pourrait être comme Dieu, qu’il pourrait avoir son extraordinaire puissance et sa dignité en dehors de Dieu. Alors Dieu répond à l’orgueil de Satan par l’humble Saint Michel dont le nom signifie « qui est comme Dieu ? ». L’orgueil est également le péché de nos premiers parents : la pensée qu’ils pouvaient avoir les biens de Dieu selon leurs propres conditions, qu’ils pouvaient s’approprier les choses plutôt que les recevoir en cadeau. C’est finalement une rébellion contre l’ordre des choses, à savoir que Lui est Dieu et que nous ne sommes pas Lui.

L’orgueil est aussi le péché originel dans le sens où il dessine le motif de tous les autres péchés. Il n’est aucun péché, du plus petit au plus abominable, qui ne porte pas trace de la rébellion de notre intelligence et de notre volonté contre celles de Dieu. Ou pour mieux dire, les actes d’orgueil, comme une sorte de maladie spirituelle, se sont transmis depuis nos premiers parents et infectent la totalité de notre âme, corrompant jusqu’à nos actes de vertu.

En tant que tel, le Pharisien de la parabole est une image de l’être humain – de chacun d’entre nous. Nous souffrons du même mal que lui, même si pas toujours avec les mêmes symptômes. Si nous nous contentons de nous asseoir et de le juger sans nous examiner nous-mêmes, nous n’avons rien compris et – pis encore – nous devenons comme lui.

Notez les deux principaux effets de l’orgueil. Tout d’abord il isole. « Le Pharisien, se redressant, s’adressait cette prière ». Naturellement on ne doit pas se prier soi-même. Mais le Pharisien est tellement centré sur lui-même qu’il ne prie pas Dieu, il se prie lui-même. Ce serait amusant si nous ne faisions pas souvent la même chose. Nous ne sommes peut-être pas aussi méprisants ou auto-satisfaits que le Pharisien, mais nous souffrons pourtant de cet effet de l’orgueil. Notre prière se réduit rapidement à une conversation avec nous-mêmes à propos de nous-mêmes. Au lieu de nous tourner vers Dieu, nous pensons à nous qui sommes devant Lui.

Cela aide à comprendre les mots terribles du Seigneur à la fin de la parabole : « quiconque s’élève sera abaissé ». Ce n’est pas tant un jugement qu’un constat de la réalité. L’homme orgueilleux s’isole tellement qu’il ne laisse aucune ouverture à Celui qui seul peut l’élever. Ce n’est pas que Dieu ne l’aime pas mais il s’est tellement isolé de Dieu qu’il bloque les effets de cet amour. Il entrera dans l’éternité rien qu’avec lui-même, ce qui est humiliant.

En second lieu, l’orgueil nourrit un esprit de compétition. « Je te remercie de ne pas être comme le reste de l’humanité – avide, injuste, adultère – ou même comme ce collecteur d’impôts. Le Pharisien, et toute personne orgueilleuse, tire sa dignité, non de sa relation avec Dieu mais de sa comparaison avec les autres. De fait, il regarde les autres uniquement comme des rivaux. Il a adopté les instructions de l’oncle Screwtape à son démon de neveu : « être, c’est être en compétition » (NDT : allusion aux personnages du livre « Tactique du diable ».)

Dans le cas du Pharisien, cette compétition le sert bien. Il a effectivement fait de meilleures choses que le collecteur d’impôts et de ce fait il se sent imbu de lui-même. Mais le même orgueilleux esprit de compétition peut souvent avoir l’effet imverse. Quand nous entrons dans le jeu des comparaisons et nous trouvons inférieur aux autres, nous n’allons pas être arrogant ou suffisant mais découragé et manquant de confiance en soi. Les réseaux sociaux exarcerbent ce problème vu qu’ils ne font qu’encourager les gens – surtout les jeunes – à s’affronter dans le jeu des comparaisons. C’est une bonne recette pour cultiver le manque de confiance en soi et l’anxiété. L’orgueil – ce centrage sur soi – est la racine commune de l’arrogance et du manque de confiance en soi.

Ironiquement, l’homme que notre culture considèrerait comme manquant d’estime de soi est le plus sain de la parabole. « Le collecteur d’impôts se tenait à distance et n’osait même pas lever les yeux vers le ciel mais il se frappait la poitrine et priait : ‘ô Dieu, sois miséricordieux pour le pécheur que je suis’ ». Contrairement au Pharisien, le collecteur d’impôts est capable de parler à Dieu. Il est conscient de sa relation [avec Dieu] et de sa place dans celle-ci. Bien plus, il agit en fonction de cette relation, se frappant la poitrine pour reconnaître et exprimer son humble état.

Un débat classique porte à définir si l’humilité est affaire d’intelligence ou de volonté. Est-ce une façon de penser ou une façon d’agir ? Les deux à la fois en fait : nous avons besoin de changer à la fois notre pensée et notre comportement. Ainsi, l’humilité est d’abord la juste évaluation de soi. C’est la vertu par laquelle nous reconnaissons cette vérité que nous ne sommes rien sans Dieu mais également que Dieu nous a comblé de bénédiction.

En même temps, l’adhésion à la vérité et à la conscience de ce que nous sommes nécessite des actes concrets qui la renforce. Sans un comportement adéquat, la façon de penser adéquate va rapidement s’affaiblir. Et donc notre Mère l’Eglise conduit ses enfants à des actes d’humilité, tout spécialement dans la liturgie. Nous reconnaissons notre péché, nous frappant la poitrine comme le fait le collecteur d’impôts. Nous nous agenouillons et reconnaissons que nous ne sommes pas dignes. Et ainsi de suite. Ce ne sont pas uniquement des mots et des gestes pieux, ce sont des actes qui nous aident à intérioriser cette vérité que nous ne sommes rien – et que Dieu nous a tout donné.