Ma belle et toute gracieuse épouse et moi nous sommes mariés le mois dernier. Le meilleur moment de la réception, c’est quand vous vous tenez tous deux à l’arrière et regardez la famille et les amis qui finissent par se mêler, boivent du vin et dansent comme des clowns qui se battent « pour de rire ». C’était une échappée vers le Ciel. Et c’étaient des anges en extase.
Mes amis pensaient que l’occasion était prometteuse pour moi, aussi. Surtout, ceux que je n’avais pas vus depuis quelque temps. Et que faites-vous avec une femme qui a ce regard ? disaient-ils pour me taquiner. Je me sentais coupable comme si j’étais accusé.
Mais ils étaient encore plus étonnés par le catholicisme évident de la cérémonie, qui se déroulait dans la cathédrale Saint Patrick à Norwich, Connecticut. Je m’étais converti au catholicisme aux alentours de mes vingt ans. (j’en ai 39 maintenant). Ce n’était quelque chose de nouveau pour personne, mais peu attendaient que la foi prît la place centrale en ce jour qui était officiellement consacré à ma femme et à moi.
Même ceux dont j’avais été le plus proche ces dernières années étaient surpris par le manque de subtilité. Mon milieu social était resté, après ma conversion, socio-libéral– je n’avais jamais fait partie des milieux de jeunes catholiques puisque ma conversion était arrivée après les années de collège. Et vivant ma conversion tout simplement, je n’ai jamais incité mes amis à y mettre leur nez. Je pense (j’espère) que j’y ai gagné un respect tranquille pendant toutes ces années.
J’apprenais suffisamment lorsque nous sortions ensemble ce qu’ils pensaient du catholicisme. Je l’ai en tout cas assez vu dans les media.
Mais ils m’aimaient beaucoup plus qu’ils ne détestaient ma religion. Tout ce qui était bon pour moi était bon pour eux. Aussi étaient-ils capables d’apprécier ma foi à un niveau thérapeutique, comme si ce n’était pas différent de cours de yoga ou démarrer une diète hygiénique. Le catholicisme était juste un autre élément sur le plan de mon bien-être personnel, tout en étant une chose qu’ils considéraient comme tout de même un peu pénible.
Et donc notre mariage profondément catholique était un choc pour eux, exactement comme si je m’étais marié dans un studio de yoga et avais formulé tous mes remerciements et félicitations au Maître yogi.
“Tu étais toujours si inquiet », me dit un vieil ami à la réception.” Je pense que la religion a été une bonne chose pour toi.”
C’était vrai. Auparavant j’étais vraiment comme une maison à rénover. Aussi acceptais-je le compliment.
“Je savais que tu t’étais converti au catholicisme”, dit un autre, ‘”mais je ne savais pas que tu étais vraiment catholique.”
“Je ne le cachais pas” dis-je.
“Mais tu ne te promenais pas avec une grande croix suspendue à ton cou ou des trucs de ce genre,” dit-il ?
“ Et le rosaire sur mon rétroviseur, est-ce que cela compte?”
“Quoi qu’il en soit, dit-il. Tu parais bien. Je suis content pour toi. Sur ce, il m’étreignit vigoureusement.
Depuis mon entrée dans l’Eglise, j’ai préféré pour l’évangélisation la méthode “montrez, ne dites pas”. “Prêchez l’Evangile à tout moment, utilisez les mots si nécessaire”, aurait dit saint François d’Assise, bien qu’il soit difficile de l’imaginer recourant à ce genre de plaisanteries sirupeuses.
C’est un beau sentiment, pourtant : que nous devrions aspirer à vivre l’Évangile de façon si convaincante que nous puissions contourner le recours à la démarche rationnelle. C’est aussi profondément peu pratique (je ne suis pas assez saint pour y parvenir) et difficilement acceptable. Si nous ne disons jamais qui nous sommes, la tentation de mener une double vie est trop forte.
La prédication par l’exemple permet aussi d’éluder la responsabilité d’expliquer les difficultés de notre foi. Même en nous limitant aux bases – nous devons notre existence à un Créateur qui, comme un bon père, à la fois respecte notre liberté et nous aime follement – demande préparation, pratique et effort.
Pendant des dizaines d’années, les catholiques américains, moi y compris, ont prêché par l’exemple si consciencieusement qu’ils ont fait de toute une génération des catholiques totalement illettrés. La seule chose que la plupart des jeunes gens savent sur l’Eglise, c’est qu’ils la détestent.
Ils comprennent que par le mot Dieu nous faisons référence à un saint Nicolas cosmique qui se borne à satisfaire les souhaits de gens qui se signent avant les repas. Ou à une projection freudienne de satisfaction (l’incroyance en Dieu remplit plus convenablement cette fonction pour une espèce encline au péché). Ou à un Odin mis au goût du jour, un Être Très Grand parmi d’autres Êtres Très Grands qui se battent dans l’espace.
Il y a seulement un mois, le philosophe populaire Sam Harris a tenté de réfuter l’existence de ce particulier Dieu de paille faisant remarquer que nous ne pouvions pas le voir avec des télescopes perfectionnés.
Sérieusement ?
Les gens comme mes amis n’ont non plus aucune idée de ce que nous entendons par “Christ”. Ils pensent que Jésus – à supposer qu’il ait existé – était un ancien précurseur du combattant moderne pour la justice sociale (et possiblement un zombie qui pensent-ils est “cool”). Ils ne savent pas non plus ce qui différencie l’Église catholique de l’Église presbytérienne ou baptiste. Ils ne pourraient pas distinguer l’Esprit Saint des Spirit Airlines.
Pourquoi ? Parce que les catholiques comme moi ne le leur ont pas expliqué.
Bon, c’est tout. Il est temps de prêcher l’Evangile et de se servir plus souvent des mots, spécialement pour ceux d’entre nous qui ont beaucoup d’amis et de connaissances dans le monde séculier.
Soyons clair, je ne suis pas en train préconiser qu’on commence toute conversation par “Avez-vous entendu parler de la Bonne Nouvelle?” Ni que réorientions toute conversation vers une explication de la Présence Réelle du Christ dans l’Eucharistie.
Mais seulement de garder un œil plus attentif aux opportunités évangéliques quand elles se présentent. Que, quand dans la conversation la porte s’entr’ouvre, on aider autrui à la garder ouverte afin que la lumière puisse se répandre à l’intérieur.
Et en ce qui me concerne, pour commencer, ce serait bien de partir de la réaction de mes amis à mon Mariage Très Catholique.
Je pourrais leur expliquer que je ne pratique pas ma foi pour des raisons thérapeutiques, bien qu’elle contribue à ma bonne santé. En fait je ne pratique pas ma foi pour des raisons accessoires, mais toujours comme une fin en soi. Parce que mourir dans la Lumière est le seul acte rationnel. Parce que chaque fois que je pense que j’ai compris le Christ ou senti la plénitude de Son étreinte, un nouvel abîme s’ouvre et m’avale. Parce que le catholicisme est sans fond dans sa vérité et sa beauté.
Mais surtout, parce que je suis amoureux. Et parce que, inexplicablement, la Lumière est aussi amoureuse de moi.
Peut-être vais-je leur dire cela. Et c’est peut-être ce que je viens de faire.