Quel est l’impact de la démographie en politique ?
G.-F. Dumont : C’est très simple : sur le plan politique et économique, les pays sont considérés en fonction de leur poids démographique. Par exemple, notre indulgence face aux méthodes de gouvernement de la Chine, est liée au fait qu’elle pèse 1,4 milliard d’individus et que toutes les entreprises mondiales y sont allées pour profiter de cet immense marché.
Autre exemple : dans l’Union européenne, pour le vote à la majorité qualifiée, les États ont un nombre de voix proportionnel à leur population.
Par ailleurs, plus la population d’un pays est importante, plus il est susceptible de créer des richesses, de disposer de moyens pour sa politique intérieure ou étrangère…
Qu’en est-il sur le plan intérieur ?
La question des retraites, par exemple, est avant tout un problème démographique : les enfants qui naissent financeront les retraites. On l’a vu, par exemple, en 1981, quand l’abaissement de la retraite à 60 ans a été voté, à une période où l’on savait très bien que nous allions rencontrer de grandes difficultés pour les financer, étant donné le nombre de retraités à venir et l’allongement de l’espérance de vie… Si on avait alors maintenu la retraite à 65 ans à ce moment-là, le problème se poserait différemment aujourd’hui. Le relèvement de l’âge du départ à la retraite à 62 ans a permis de limiter le déséquilibre, mais c’est insuffisant.
De nombreuses mesures ont été prises dans les années 2010 pour raboter l’argent de la politique familiale et l’utiliser à d’autres fins, ce qui a un impact important sur la natalité. Actuellement, l’État vient de décider d’utiliser cet argent au profit de l’assurance maladie. Nous sommes entrés dans une logique comptable dans lequel le paramètre démographique n’est pas pris en compte.
Dans « l’hiver démographique » européen, où en est la France ?
L’Europe est entrée dans un « hiver démographique » au milieu des années 1970. Cela signifie que, depuis cette période, l’indice de fécondité est inférieur au seuil de remplacement des populations : celui-ci est de 2,1 enfants par femme tandis que le taux de fécondité est de 1,5 enfant par femme, en Europe.
Concrètement, depuis 2015, il y a plus de décès que de naissances : cela n’était pas arrivé depuis les périodes de fortes épidémies ou de guerres. Mais les médias n’en ont guère parlé…
La France a connu un hiver démographique moins intense, grâce à sa politique familiale. Mais, depuis le milieu des années 2010, quand elle a été particulièrement fragilisée, la natalité a baissé. La tendance est donc au vieillissement de la population. Aujourd’hui, on jouit encore d’un excédent des naissances mais il a beaucoup diminué et il semble que nous nous orientons vers une période où les décès excéderont les naissances…
Quels sont les « rabotages » de la politique familiale que vous évoquez ?
Concrètement, on peut noter, par exemple, la fin de l’universalité des allocations familiales, la remise en cause de l’allocation parentale d’éducation, la baisse du quotient familial, la baisse des dotations financières de l’État aux communautés locales, entraînant concrètement l’interruption de projets comme des nouvelles crèches, entre autres.
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