Père Paul D. Scalia – 27 juin 2021
« Mais ses disciples dirent à Jésus, ‘Tu vois comme la foule t’écrase, et tu demandes « Qui m’a touché ? » » (Marc V : 31). On sympathise avec les disciples. La question de Notre Seigneur semble déraisonnable. Après tout, il est une célébrité. La ville et la campagne entières arrivent pour le voir. Ils veulent être près de Lui, peut-être par dévotion, mais cela peut tout aussi bien être dans un désir de dire qu’ils L’ont vu. Une bousculade est inévitable, et il est probable que beaucoup de personnes se sont cognés à Lui.
Mais une personne L’a touché différemment. La femme qui souffrait de pertes de sang tend la main pour toucher Son manteau intentionnellement, avec foi. Beaucoup de personnes ne font que se cogner à Lui. Il n’y en a qu’une qui Le touche. Ce contraste nous fournit un moyen de considérer une tension que nous expérimentons en ce moment, entre un catholicisme culturel ou intentionnel.
Le catholicisme implique une certaine culture. Ou plutôt, il forme une culture pour sa propre continuité. La foi catholique n’est pas un passe-temps que nous pourrions reléguer dans un coin de nos vies. C’est une manière de vivre – en fait c’est La Voie, comme le nommait autrefois Eglise. (Actes IX : 2). Il devrait donner sa forme à chaque aspect de la vie du croyant : Ses pensées, ses paroles, ses actions, et ses relations. Il est vécu par le cœur, l’âme et le corps. Il occupe notre temps avec ses saisons et ses fêtes. Il remplit notre espace avec son art et son architecture.
Une culture complètement pénétrée de la doctrine catholique transmet la foi plus facilement. Nous ne sommes pas censés apprendre la foi uniquement dans une salle de classe ou grâce à des livres. Nous l’apprenons de nos parents et grands-parents, ainsi que grâce à des chansons, des spectacles, des odeurs. Avec autant d’aide autour d’elle, une personne peut embrasser la foi, et l’intérioriser plus naturellement, paisiblement et complètement. Ainsi, une culture catholique peut produire des saints aussi extraordinaires et divers que saint Thomas d’Aquin, Charles Borromée et Thérèse d’Avila. Nous devrions nous efforcer de construire une telle culture.
En même temps, le danger d’une culture catholique devrait être parfaitement évident. Si elle n’est pas correctement appliquée, elle devient simplement un catholicisme culturel. Cette contrefaçon a produit beaucoup de gens qui ont grandi parmi les attributs et l’atmosphère du catholicisme, qui effectivement se déclarent catholiques (peut-être même « dévots »), mais qui sont loin de la vraie foi. Les catholiques culturels font souvent précéder leurs paroles de désaccord par « j’ai été pendant douze ans dans une école catholique. »
Ces catholiques accidentels sont comme la foule qui entourait Jésus. Ils le bousculaient parfois, parce qu’ils étaient au même endroit que Lui. Ils permettent aux attributs de se substituer à l’investissement personnel. Ils ne Le touchent pas par conviction. Notre Seigneur Lui-même nous a mis en garde d’un contact aussi superficiel : « Et vous direz ‘Nous avons mangé et bu en ta présence et tu as enseigné dans nos rues’. Et Il leur répondra : ‘Je ne vous connais pas. Éloignez-vous de moi, vous qui faites le mal.’ » (Luc XIII : 28)
En réponse au danger du catholicisme culturel, nous allons parler du catholicisme « intentionnel » qui forme des disciples « délibérés ». Le but est de susciter des catholiques qui ne font pas que de bousculer le Seigneur, mais qui Le touchent avec foi.
Nous en avons désespérément besoin. Les soutiens extérieurs que la culture catholique pourrait procurer à l’âme ont disparu. C’est certain, une paroisse devrait essayer de construire une culture catholique. Mais c’est encore peu de choses face au tsunami de notre culture toxique. Cela fait maintenant longtemps qu’il est imprudent de présumer que, dans notre société laïque, les attributs du catholicisme puissent conduire à une foi catholique vibrante. Maintenant, juste pour survivre, les catholiques doivent être volontaires et délibérés dans l’affirmation de leur foi et dans la façon dont ils la vivent.
Mais ce caractère intentionnel a aussi ses inconvénients. Une « communauté d’intention » peut très vite devenir gnostique et clanique. Ou un club campagnard. Trop d’emphase, ou une emphase qui se trompe d’objet peut conduire à l’idée arrêtée que nous L’avons choisi, Lui. Cela peut obscurcir le pouvoir de Ses paroles : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais c’est moi qui vous ai choisis ». (Jean XV : 16) Notre choix délibéré n’est qu’une simple réponse à Son initiative. Nous choisissons parce que nous avons été tout d’abord choisis.
Un grand moyen de se défendre contre ce danger, c’est la paroisse catholique, qui (à quelques exceptions près) est géographique et non intentionnellement choisie. En effet, une « paroisse par destination » – quoique nécessaire dans certains endroits – est un oxymore. Une des belles choses à propos d’une paroisse catholique, c’est l’échantillon varié des personnes qu’elle attire. N’importe quel dimanche, les fidèles sont rassemblés, non pas en vertu d’un passe-temps commun ou d’un intérêt mondain, mais parce qu’ils sont tous des pécheurs qui ont trouvé leur rédemption dans l’Église du Christ. Ce n’est pas, par ailleurs, un groupe de personnes qu’on pourrait trouver ensemble.
La fameuse définition du catholicisme de James Joyce – « C’est là que tout le monde vient » – est fondée pour n’importe quelle paroisse. Les fidèles – plus ou moins pratiquants – font partie d’une paroisse, non pas parce qu’ils l’ont choisie, mais parce que Dieu, dans sa Providence, les a fait tomber dans son enceinte. C’est à cette réalité qu’ils répondent.
Bien sûr, certains paroissiens sont moins intentionnels que d’autres. Ce n’est pas une raison pour les chasser ou les exclure. Au contraire, nous espérons que la doctrine catholique authentique, la dévotion, la liturgie – en un mot, la culture – les attirera plus près du centre de la paroisse et du cœur de l’Eglise.
Ainsi, la solution est (comme on aurait pu s’y attendre) dans un catholicisme à la fois culturel et intentionnel. Cela consiste à cultiver une culture catholique vibrante qui ne se substitue pas à l’investissement personnel, mais favorise cet engagement intentionnel envers le Christ.