Votre livre inscrit le traditionalisme dans une histoire longue…
Yves Chiron : Dans son principe, le traditionalisme trouve sa source à la fin du XVIIIe siècle, lorsque l’Église en France refuse l’idéologie de la Révolution française et la Constitution civile du clergé, c’est-à-dire son assujettissement à l’État. Ce courant est contre-révolutionnaire, mais non au sens politique. Car, à côté d’une contre-révolution politique, portée par Joseph de Maistre ou plus tard Charles Maurras, se trouve ce courant de contre-révolution catholique, qui ne combat pas pour la restauration de l’Ancien Régime et de la monarchie, mais qui s’oppose à l’idéologie révolutionnaire, notamment aux Droits de l’homme. Les grandes figures en ont été le cardinal Louis-Édouard Pie, Louis Veuillot, ou, plus récemment, Jean Ousset et Jean Madiran.
Si le concept de traditionalisme a ainsi une longue histoire, le mot « traditionaliste » n’est apparu que dans les dernières décennies du XIXe siècle. Il fut avalisé en 1910 par saint Pie X lui-même qui, dans sa lettre au sujet du Sillon, mouvement démocrate-chrétien accusé de modernisme, déclare que « les vrais amis du peuple ne sont ni révolutionnaires ni novateurs, mais traditionalistes ». Traditionalistes, c’est-à-dire fidèles à un corpus doctrinal et à une vision de l’homme et de la société qui est celle de l’Église dans sa Tradition.
Vous expliquez que le cœur du mouvement est la lutte contre le modernisme, dont Pie X disait qu’il était « l’égout collecteur de toutes les hérésies »…
Le modernisme est une façon nouvelle d’appréhender la compréhension de la foi et l’étude de l’Écriture sainte, ainsi qu’une volonté de définir une nouvelle discipline dans l’Église. Sur le plan exégétique, ou théologique, le modernisme a abouti, en utilisant soi-disant la science moderne dans les domaines de l’histoire par exemple, à des remises en cause de la foi catholique sur des questions fondamentales, dont la formulation n’avait souvent comme seul objectif que de remettre en cause les vérités auxquelles elles renvoyaient. La résurrection est-elle une réalité historique ? Lors de la célébration de l’eucharistie, la consécration aboutit-elle à un changement de substance ?