L'Esprit-Saint et nous - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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L’Esprit-Saint et nous

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Les défenseurs de l'Eucharistie, Rubens, v. 1625

Les défenseurs de l'Eucharistie, Rubens, v. 1625

[Musée du Prado, Madrid]

La première lecture de ce dimanche inclut une phrase assez curieuse. Les Apôtres écrivent aux chrétiens d’Antioche : « l’Esprit-Saint et nous-mêmes avons décidé » (Actes 15:28). Cela sonne comme s’ils se plaçaient sur le même niveau que l’Esprit-Saint, comme si leur approbation était nécessaire pour sa décision. C’est un peu comme si le prêtre commençait ainsi son homélie : « notre Seigneur a dit autrefois, et je pense qu’Il avait raison… »

L’Esprit-Saint et nous-mêmes avons décidé. Bien que curieuse, cette phrase est extraordinairement importante comme déclaration sur l’autorité enseignante de l’Église et également sur l’autorité de tout chrétien. Cela ne signifie pas que l’Esprit-Saint avait besoin de l’approbation des Apôtres, mais que l’Esprit-Saint lui-même parlait par les Apôtres. Un désaccord concernant l’Évangile était survenu à Antioche. Dieu n’a pas laissé son peuple dans le doute mais a guidé l’Église par l’intermédiaire de l’Esprit-Saint et des Apôtres, son autorité enseignante.

Notre culture souffre d’une extraordinaire crise d’autorité. Il n’est pas d’institution qui n’ait perdu sa crédibilité, en tout ou partie, en raison d’un abus d’autorité commis par un ou des chefs. De tels chefs ont usé de leur autorité pour ce qui ne devait pas être fait et ont échoué à l’utiliser pour ce qui devait être fait. Pire encore, les cas particuliers de ces abus ont poussé certains à rejeter le principe même de l’autorité.

Il s’avère que l’autorité est une chose fort importante pour nous, êtres contingents. Nous ne sommes pas aussi autonomes qu’il nous plaît de le croire. Nous aurons une forme d’autorité. Que nous en rejetions une ne signifie pas que nous n’allons pas en reconnaître une autre. Lorsque nous fermons la porte à une autorité, légitime mais qui a abusé, une autre forme d’autorité rentrera par la fenêtre.

Donc le danger n’est pas que les gens seront à la dérive, sans guide d’aucune sorte. Il est que les gens vont se soumettre à des autorités capricieuses et nuisibles. Pour la stabilité et la ligne de conduite, ils s’en remettront à un gouvernement absolutiste, à des « experts », aux médias, à la « science », à l’économie, au groupe d’amis. Et ainsi de suite.Tout « libre penseur » qui écrit ou parle maintenant contre « l’homme » se soumettait autrefois à son professeur pour apprendre son ABC.

La scène des Actes des Apôtres est le premier exemple du magistère de l’Église, ou de son autorité enseignante. Elle est tirée de ce qui est communément connu comme le Concile de Jérusalem, qui fut convoqué pour déterminer si la Loi Mosaïque (et en particulier la circoncision) était toujours obligatoire pour les chrétiens. C’était un tournant décisif pour l’Église. Soit elle gardait l’intégralité de la Loi Mosaïque, soit elle ne la gardait pas.

L’exercice de l’autorité par les Apôtres fut accueilli avec enthousiasme par les chrétiens d’Antioche (peut-être surtout par les hommes) : « ils se réjouirent de l’exhortation » (Actes 15:19). Inutile de le dire, ce n’est pas ainsi que nous les modernes accueillons les enseignements d’autorité. Non, nous les voyons comme un fardeau, une restriction de notre pensée.

En fait, le magistère de l’Église est au service de la pensée. L’Église enseigne avec autorité, non pour réduire les chrétiens en esclavage mais pour les prémunir de l’erreur et de la division. En enseignant avec autorité sur la Loi Mosaïque, le Concile de Jérusalem a libéré les premiers chrétiens de l’esclavage des Judaïsants et préservé l’Église naissante de la division.

L’Esprit-Saint et nous-mêmes avons décidé. Cette phrase révèle la réalisation de ce que notre Seigneur promet dans l’Évangile de ce jour : « l’Avocat, l’Esprit-Saint, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toute chose et vous rappellera tout ce que je vous ai dit » (Jean 26).

C’est l’Esprit lui-même qui enseigne les Apôtres à Jérusalem et qui enseigne les autres à travers eux. L’Esprit leur rappelle tout ce que le Seigneur leur a dit et fait donc de l’Église une institution de la mémoire, le corps qui rend présent Jésus et Son enseignement.

L’Esprit-Saint et nous-mêmes avons décidé. Ces mots s’appliquent de façon unique aux Apôtres et à leurs successeurs les évêques. Ces mots s’appliquent également d’une autre manière à tous les chrétiens.

Tous d’abord, ils nous poussent à nous demander quelle autorité nous suivons. Qu’est-ce qui façonne nos vies ? L’Évangile du Christ tel que nous le connaissons par l’Église ou une quelconque idéologie mondaine. Il y aura une autorité dans notre vie. Ce sera soit l’Esprit parlant par l’Église soit quelque force du monde. Soit nous recevons avec joie l’enseignement fait avec autorité par l’Église, soit nous le rejetons et devenons esclave d’une autre puissance.

Deuxièmement, nos propres pensées, paroles et actions devraient être la décision de l’Esprit-Saint et de nous-mêmes. Cela requiert que nous soyons réceptifs et dociles aux motions de l’Esprit-Saint. L’esprit-Saint nous est donné, non pas tant pour que nous puissions vivre nos propres vies avec son aide mais pour que nous puissions penser, parler et agir comme le Christ. Ou plutôt, pour que nous puissions dire avec saint Paul : « je vis, mais non, ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Galates 2:20). L’Esprit-Saint nous est donné pour être notre avocat et notre guide. Il devrait rencontrer en nous une réponse généreuse et obéissante à ses motions.

Cette unité de l’Église avec l’Esprit fait de ses membres des témoins fiables du Christ. Comme nous le voyons chez les saints, la docilité aux motions de l’Esprit – la capacité à dire : l’Esprit-Saint et nous-mêmes avons décidé – donne à un homme ou une femme ordinaires l’autorité morale qu’aucune fonction du monde ne peut conférer.