Les psaumes en temps de guerre - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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Les psaumes en temps de guerre

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©Pascal Deloche / Godong

Un lecteur demandait l’autre jour comment il était possible qu’avec les millions de prières offertes chaque jour pour l’Ukraine (en réalité des milliards de par le monde) Dieu permette la poursuite de la mort et de la destruction. C’est une bonne question. Une difficile question.

Elle a été posée depuis des millénaires en temps de guerre, tout comme durant les épidémies, les inondations, les incendies, les tremblements de terre, les sécheresses, les famines qui – n’en déplaise aux environnementalistes – font partie de l’histoire naturelle de la race humaine. Quiconque lit les Psaumes ou prie quotidiennement la Liturgie des Heures sait que cela a été une lamentation centrale même dans l’Ecriture Sainte. Seigneur, nous te faisons confiance, mais es-Tu vraiment là quand nous avons le plus besoin de Toi ?

Cette question existentielle est même plus perturbante que les question habituelles de guerre et de diplomatie. En termes séculiers, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a uni l’Europe, l’Amérique et la plupart des nations du monde. En dépit de différences d’opinion sur des politiques antérieures ou sur la menace causée par la décadence occidentale, même la Pologne et la Hongrie, qui dans un passé récent penchaient vers Poutine sur les questions culturelles et résistaient à l’impérialisme cuturel « woke » de l’Union Européenne ont rejoint le reste du monde civilisé en déclarant que l’invasion était un mal.

Si cela peut se produire au niveau humain terre à terre, où est la solidarité divine à laquelle nous nous attendrions dans cette juste cause ?

Les Psaumes sont un rappel poignant de choses que beaucoup d’entre nous, en particulier ceux qui ont eu la chance de vivre pendant des années dans des sociétés relativement en paix, préfèreraient ne pas affronter – et pourraient même être tentés de nier.

Notre Dieu n’est pas un Dieu plan-plan qui garantit la prospérité et la paix. Plusieurs psaumes louent les merveilles de la Création et nous rappellent que ces biens que nous apprécions découlent de l’observance de la loi de Dieu. Mais ils ne nous laissent non plus jamais oublier que le mal est réel et puissant, ce pourquoi Dieu a dû mourir sur une Croix pour le vaincre.

Comme C.S. Lewis le fait remarquer dans son petit livre Réflexion sur les Psaumes, « ces poètes [les rédacteurs des psaumes] vivaient dans un monde de punitions féroces, de massacres et de violence, de sacrifices sanglants dans tous les pays et de sacrifices humains dans plusieurs d’entre eux ». Nous avons tendance à ignorer que de telles choses – de concert avec les goulags, laogais, esclavage, sacrifice d’enfants (l’avortement) et l’exploitation sexuelle – existent toujours. Et pas uniquement dans des endroits fort éloignés, mais sous des formes subtiles – parfois assez ouvertement – dans notre propre monde. Elles se poursuivent parce que la nature humaine ne change pas.

Tout chrétien, à un moment ou un autre, fait face au mal et à la souffrance et doit essayer d’y trouver un sens. Saint Augustin a argumenté de façon célèbre que le mal n’avait pas une existence réelle – que c’était le manque d’un bien qui aurait dû être présent. C’est vrai à un niveau conceptuel très élevé, mais difficile à tenir quand des bombes s’écrasent alentour. Saint Augustin s’approche plus de notre expérience ordinaire quand il parle du « mystère d’iniquité ».

Il y a de nombreux mystères dans le monde, mais le pourquoi de l’existence du mal dans la Création d’un Dieu bon est peut-être le mystère qui nous pose le plus de problèmes. Beaucoup de gens, tout comme à l’époque des psalmistes, ont juste accepté que le mal existait et que Dieu n’existait pas. Certains perdent la foi quand il subissent le mal. Le difficile pour nous en des temps comme celui-ci – mais de vrai à toutes les époques, nous devrions le savoir – est de prendre l’entière mesure du mal à la fois autour de nous et en nous. Et de nous y attaquer, en dépit du fait qu’il provoque non seulement de la souffrance mais soulève également des doutes.

Dieu veut faire surgir du bon en permettant des choses comme le covid ou l’invasion de l’Ukraine. Dans de nombreux cas, le bon qui résulte est que nous sommes finalement forcés de devenir conscients de la façon radicale dont nous dépendons de Lui.

J’ai commencé à étudier les Psaumes plusieurs semaines avant l’invasion de l’Ukraine. C’est habituellement une part de ma routine matinale que d’étudier de façon systématique un extrait des Écritures. Avant même que les bombes ne commencent à tomber, les Psaumes m’avaient éveillé à quelque chose de différent de la culture « woke ».

En raison de la politisation globale, nous avons perdu la perspective de base de l’existence humaine. Nous voulons croire à toute force que toutes les souffrances et les maux de ce monde sont le résultat de politiques défectueuses, ou du capitalisme, ou du racisme, ou du « patriarcat ».

C’est certain, nous pouvons prendre certaines mesures pour régler des problèmes particuliers. Mais dans quelle mesure ce dont nos médias nous inondent quotidiennement reflète-t-il vraiment notre conviction que nous pourrions contrôler le mal si seulement le bon parti politique ou les bons politiciens étaient au pouvoir ?

C’est une ineptie montée sur échasses, bien sûr.

Actuellement, nous aimons nous reprocher l’un à l’autre l’invasion de l’Ukraine, comme si c’était de notre faute et non de celle de la Russie. Tout chrétien devrait, naturellement, s’examiner en premier quand quelque mal arrive. Et il ne fait aucun doute que l’Occident aurait pu adopter une approche différente et rendre la guerre moins probable. Mais cela n’explique qu’en partie la guerre de monsieur Poutine. Il a clairement indiqué depuis des années ce qu’il avait l’intention de faire, en dépit des questions sur l’OTAN. Quoi qu’il en soit, un examen de conscience convenable ne consiste pas à se fixer au dos une affichette « frappez-moi ! »

Lisez les informations en ces temps troublés et tentez de résoudre les problèmes, comme nous devrions tous tenter de le faire. Mais également lisez les Psaumes. Ils dissipent nos illusions habituelles selon lesquelles nous avons le contrôle.

Comme l’exprime la prière de Newman : « Je lui ferai confiance en toutes circonstances… Si je suis malade, ma maladie peut Le servir, si je suis perplexe, ma perplexité peut Le servir. Si j’ai du chagrin, mon chagrin peut Le servir. Il ne fait rien en vain. Il sait ce qu’Il fait. Il peut m’enlever mes amis. Il peut m’envoyer parmi des étrangers. Il peut faire que je me sente désespéré, que mon esprit sombre, il peut me cacher mon avenir. Il sait ce qu’Il fait. »

Les Psaumes sont à la fois perturbants et consolants. Déroutants et éclairants. Ils n’enjolivent pas la vie ni ne parlent uniquement de luttes anciennes, mais ils parlent d’aujourd’hui et de l’avenir. De vous et moi. Du monde qui a désespérément besoin à l’heure actuelle de s’éveiller à la sagesse.