En face des confessionnaux de l’église parisienne de Saint-Louis d’Antin, assis sur des chaises le long du mur, les pénitents attendent leur tour. Les uns ont la tête plongée dans les mains, d’autres semblent perdus dans leurs pensées. Ici, on confesse toute la journée, sept jours sur sept. « Je ne viens pas ici par simple habitude, mais parce que je crois que le sacrement de la réconciliation est salvateur », confie Olivier, qui vient de sortir de confession. À voix basse, pour ne pas gêner les pénitents à proximité, cet homme de 69 ans confie qu’en vieillissant, il s’aperçoit que l’enjeu final de sa vie est « la rencontre avec Dieu ». Et, ajoute-t-il, « cela, ça se prépare ». Pour cela, le sacrement de pénitence et de réconciliation lui semble le moyen privilégié.
L’aide du Décalogue
« Pour bien se préparer, je conseille de regarder sa vie comme le ferait quelqu’un de l’extérieur, car le regard que nous portons sur nos propres péchés devient alors plus juste », suggère le Père Antoine Devienne, curé de Saint-Louis d’Antin. D’autres schémas peuvent guider le pénitent. L’un des plus classiques, aisément consultable en ligne, consiste à décliner chacun des dix commandements : « Le cinquième commandement dit par exemple : “tu ne tueras pas”, note le Père Steve Onguene, prêtre de l’Institut du Verbe Incarné à Saintes (Charente-Maritime). Alors il faut se demander : “ai-je été dur dans mes paroles, ai-je de la haine et de la rancœur, ai-je tenu des propos qui tuent mon prochain ?” » Un autre moyen consiste à examiner ses manquements aux vertus théologales – manque de foi, d’espérance et de charité – et cardinales, comme le défaut de prudence, de justice, de force et de tempérance.
« Souvent, nous nommons nos péchés, mais non leur racine », met cependant en garde le Père Jean-Pascal Duloisy, aumônier de la maison d’éducation de la Légion d’honneur à Saint-Denis. Selon lui, la personne qui souhaite se confesser doit franchir, après avoir laissé décanter cet examen de conscience, une étape supplémentaire : « Il faut nommer l’intention de la conduite au péché et la nommer avec soin, afin de déraciner le mal : ainsi, il ne faut par exemple pas simplement dire : “je me suis disputé avec ma sœur”, mais : “j’ai été jaloux et donc je me suis disputé” », insiste-t-il.
Lors d’une confession, le pénitent peut tomber dans deux écueils, analyse pour sa part le Père Antoine Devienne : « Le scrupule en ressassant les péchés commis ; ou bien le laxisme en édulcorant ou en étant trop dissert sur les circonstances du péché, ou encore en se plaçant en victime et en minimisant sa volonté à pécher. »
Confessionnaux « à l’ancienne »
« On peut ne pas savoir se confesser et demander au prêtre de nous guider », rappelle aussi l’abbé Guillaume de Tanoüarn, prêtre au Centre Saint-Paul à Paris. S’il peut guider le pénitent, cela ne doit pourtant pas se faire au détriment de l’attitude discrète que le prêtre doit observer : « Nous devons nous rappeler que c’est le Christ qui agit à travers nous et que nous devons nous débarrasser de notre curiosité, précise-t-il. Un bon confesseur doit avoir conscience qu’il accorde quelque chose qui ne lui appartient pas », abonde le Père Antoine Devienne.
Pour aider pénitents et confesseurs, une piste ne serait-elle pas la réhabilitation des confessionnaux « à l’ancienne » ? Mis au rebut depuis une cinquantaine d’années au profit le plus souvent de pièces impersonnelles, ces confessionnaux correspondent pourtant aux critères fixés par le Code de droit canon, qui rappelle que les paroisses doivent proposer « dans un endroit bien visible des confessionnaux munis d’une grille fixe séparant le pénitent du confesseur et dont les fidèles qui le désirent puissent librement user » (CIC 964 §2). « On a voulu valoriser – avec la meilleure intention du monde – la relation entre le pénitent et le confesseur, en les installant face à face dans des pièces éclairées, le pénitent assis en face du prêtre, dans ce qui est une confusion entre la confession et l’accompagnement spirituel, analyse l’abbé Guillaume de Tanoüarn. Alors que le confesseur n’est que l’instrument du Christ, comme le reflétait l’obscurité du confessionnal qui évitait au prêtre d’être un obstacle ou un écran entre Dieu et le pénitent. »
Quelle fréquence ?
Si l’Église demande aux fidèles de se confesser au moins une fois par an, avant Pâques, tous les prêtres interrogés s’accordent pour recommander une confession tous les mois, si ce n’est toutes les trois semaines.
« Quelqu’un qui ne se confesse jamais risque de s’endurcir dans son péché et de tomber dans une sorte d’attachement au péché qui fait qu’on devient davantage volontaire pour le péché que pour l’amour de Dieu et, in fine, volontaire pour l’enfer » avertit l’abbé Guillaume de Tanoüarn.
À Saint-Louis d’Antin, certains pénitents reviennent au confessionnal après une longue absence, à l’image de Thérèse. Radieuse en sortant de confession, elle explique qu’elle ne s’était pas confessée depuis plus d’un an, reconnaissant avoir « trouvé des excuses » pour ne pas y aller. « À ceux qui ont peur d’y aller, il faut leur dire de se focaliser sur la joie qui leur est promise après la confession, car elle fera oublier la peine qui nous y conduit », estime le Père Jean-Pascal Duloisy, rappelant également, fort de sa qualité de responsable du service de l’Exorcisme du diocèse de Paris, « qu’une bonne confession enchaîne le démon ».
« La confession n’est pas un sacrement qui fait simplement “du bien”, renchérit de son côté le Père Antoine Devienne. Elle donne la joie : on entre dans le confessionnal comme pécheur et on en sort fils de Dieu. » Une joie d’autant plus profonde et d’autant plus adaptée au Carême que l’absolution, victoire du bien sur le mal, est à l’image de la victoire de Pâques : celle de la Croix sur la mort