Le corps un peu courbé par le poids de l’âge et de la fatigue, Sœur Marie-Bernard est assise dans un grand fauteuil, son voile gris bien disposé sur la tête. Elle est si absorbée dans sa lecture qu’elle n’entend pas les voix venues de la porte. Un paisible sourire s’esquisse sur son visage. On devine qu’elle prie. Elle incarne, en cet instant, l’image de Faremoutiers. En longeant le couloir, on aperçoit des crucifix et des icônes sur les murs de toutes les chambres. Car l’Ehpad cache un monastère. Chaque chambre est en réalité une cellule. Et chaque personne âgée accueillie, une religieuse vivant pleinement sa vocation. Le visiteur ne croise aucun regard angoissé ou apathique.
Un lieu atypique
Faremoutiers est un lieu atypique dans le paysage monastique. Ici, vingt-cinq religieuses vivent à l’abbaye, dont dix-huit sont accompagnées au sein de l’Ehpad. Certaines souffrent de fragilité psychique et ont besoin d’une vie monastique adaptée. Si toutes viennent de différents monastères contemplatifs, elles ne forment plus ici qu’une seule communauté. « Il n’y a pas de séparation entre les résidentes de l’Ehpad et les autres », explique Mère Clotilde, supérieure de la communauté, « cela permet aux Sœurs âgées de poursuivre leur vie monastique jusqu’au bout, selon leurs possibilités, tout en bénéficiant des services médicalisés d’une maison de retraite. » Concrètement, les religieuses habitent toutes dans le bâtiment de l’Ehpad, avec des chambres adaptées pour celles qui en ont besoin, et des chambres normales pour les plus autonomes. Le rythme de vie est le même pour toutes, tous les offices sont vécus ensemble – grâce à une liturgie sur mesure. Les repas sont également pris en commun, en silence, avec une Sœur faisant la lecture. « Sauf le dimanche, c’est un repas récréatif qui donne l’occasion de très beaux échanges ! », précise Sœur Maylis, sous-prieure.
Une diversité d’habits
Il est 11 heures. C’est l’heure de la messe. Dans la chapelle, l’expression « une seule communauté » s’éclaire. En effet, dans la partie réservée aux religieuses se côtoient, de manière inhabituelle dans un monastère, des habits blancs, beiges, marrons, noirs, gris… : bénédictines, carmélites, Sœurs de Saint Jean, Sœurs de Bethléem, clarisses… La diversité de la vie consacrée est vivante à Faremoutiers.
Tout commence en 1980. La communauté vieillissant, les moniales décident de créer un Ehpad pour accueillir les religieuses âgées et en faire une part importante de leur activité monastique. Une activité qui perdure depuis 42 ans : des religieuses sont confiées à Faremoutiers par leurs communautés pour diverses raisons, faute de forces vives ou lors de la fermeture d’un monastère… Ces situations insolubles poussent parfois les communautés à mettre des Sœurs dépendantes en Ehpad laïc…
Face à ce drame, Faremoutiers apparaît comme un phare dans la nuit. « Nous sommes submergées de demandes, en raison de tous les monastères qui ferment », constate, impuissante, Sœur Maylis.
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