Les juifs fervents montaient à Jérusalem trois fois l’an, pour les fêtes de Pâques, de Pentecôte et des Tabernacles. L’évangile de ce dimanche (Luc 2:41-52) nous raconte l’un de ces déplacements de la Sainte Famille et la disparition de l’enfant Jésus qui en est résultée. « Pensant qu’il était dans la caravane, ils voyagèrent toute la journée et le cherchèrent ensuite parmi leurs parents et connaissances, mais ne le trouvant pas, ils retournèrent à Jérusalem pour le chercher. »
Le pape Benoît fait remarquer que le mot « caravane » est ici un terme technique désignant « une communauté de pèlerins ». Cela met en lumière que Jésus, Marie et Joseph n’étaient pas de simples visiteurs à Jérusalem et qu’ils n’y venaient pas juste pour s’y promener. Ils étaient des pèlerins. Les pèlerinages trois fois l’an à Jérusalem les ont soudés en famille, selon leur objectif. La Sainte Famille était en effet constamment en pèlerinage. Elle avait un but et était déterminée à l’atteindre.
À la messe de ce jour, nous avons prié de façon répétée pour obtenir la grâce d’imiter la Sainte Famille. C’est un commandement élevé. Nous ne pouvons espérer l’imiter à tous égards. Mais nous pouvons et nous devons l’imiter en étant des familles en pèlerinage. Tout comme la Sainte Famille a été façonnée par ses pèlerinages à Jérusalem, de même chaque famille catholique doit être une communauté pèlerine – une qui a une destination claire, un voyage à faire et des compagnons en chemin.
Considérons d’abord l’importance de la destination. C’est la différence entre un pèlerin et un randonneur. Le pèlerinage procure un objectif. Peu de choses sont plus pitoyables qu’appartenir à une organisation sans objectif. De ce fait, ces familles qui ont le sens de leur projet et de leur but sont plus heureuses et ont plus de plaisir à être ensemble. Elles savent qu’il y a une raison à leur existence. Elles ne sont pas rien qu’un groupe arbitraire d’individus apparentés déambulant dans le même bâtiment. Elles sont rassemblées dans un but. La famille vient de Dieu et est prévue pour mener à Lui.
Pour la Sainte Famille, cette clarté de but était unique. Le but était toujours devant eux en la personne de l’enfant Jésus. Ils existaient pour lui. Mais c’est vrai également pour toute famille et tout membre d’une famille. Nous pouvons peut-être comprendre cela dans les termes de la dernière ligne de l’évangile : « Jésus grandissait en sagesse, en âge et en faveur devant Dieu et devant les hommes; » Le but est que Jésus grandisse chez chaque membre de la famille. La destination de la famille est le Ciel lui-même. Pour chaque membre, dire « je t’aime » aux autres membres revient à dire « je désire ta sanctification et ton salut ».
Il nous devient de plus en plus nécessaire, dans notre culture, de nous souvenir du but surnaturel de la famille. Les nécessités et les avantages que la famille fournissait autrefois à l’individu (sécurité physique et financière, éducation, etc), c’est l’État qui les procure (ou promet de le faire en tout cas). À tort ou à raison, nous ne comptons plus sur la famille pour ces choses. Il est maintenant plus évident que la famille procure ce que personne d’autre ne peut faire : un endroit où le Christ est enseigné, adoré et vécu. En somme, une Église domestique.
Le but établit aussi les termes de discernement. Le pèlerin fait des choix basés sur ce qui l’aidera à atteindre son but. Il discerne en fonction de sa destination. De même, les père et mère doivent juger en fonction de ce qui va aider la famille dans sa recherche de la sainteté et du Ciel. Le choix des écoles, de la technique, des loisirs, des sports sera fait à la lumière du but de la famille. Tout ce qui aide à bâtir une communauté de foi, d’espérance et d’amour sera adopté. Tout ce qui y fait obstacle sera rejeté.
Le but apporte également la persévérance. Si vous n’êtes pas sûr de votre destination, vous n’êtes guère susceptible de continuer à chercher à l’atteindre. Un pèlerin sans destination n’est plus un pèlerin. Ce qui explique l’échec de 50% des mariages dans notre pays. Une fois que les époux et membres de la famille ont perdu leur but de vue, leur vie commune devient inintelligible. Elle ne mérite plus de faire des efforts.
La vie de famille est difficile. Unir deux vies comme s’il n’y en avait qu’une, accueillir les enfants (d’autres vies à intégrer dans le processus), le travail, les moments de crise et les déceptions, le train-train quotidien et tout le reste. Sans objectif, les difficultés de la vie familiales ne peuvent être comprises, ne peuvent être facilement supportées. Mais si nous avons en tête cet objectif – que le Christ grandisse en chacun de nous – alors les défis, sans cesser d’être des défis, sont des opportunités de devenir plus semblables au Christ en y répondant comme Il l’aurait fait.
La Sainte Famille n’était pas seule dans son pèlerinage. Ils étaient dans une caravane, un groupe de familles. Ce qui nous rappelle que les familles se procurent l’une à l’autre de la force. « Il faut un village », cette expression a du sens ainsi interprétée, comme des familles qui se portent assistance l’une à l’autre en s’efforçant d’atteindre un but commun (et non avec le gouvernement le faisant pour eux). Les familles ne sont pas faites pour rester seules. Elles ont besoin de compter les unes sur les autres. Et c’est ce que l’Église devrait encourager. « Il faut une paroisse » est le meilleur slogan. Le familles devraient trouver principalement leur force dans la famille de Dieu, dans l’Église pèlerine.
Quand Joseph et Marie trouvent le Christ enfant dans le Temple, ils en apprennent davantage sur Lui. Ils comprennent plus profondément Son but, être aux affaires de Son Père. Prions pour que les familles expérimentent une redécouverte similaire de notre Seigneur et de leur vocation au pèlerinage.
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