L’accord international qui a été finalement signé à Glasgow entre les représentants de tous les pays de la planète est, pour le moins, l’objet de jugements mitigés. La lutte contre le réchauffement climatique demandera encore bien des efforts pour parvenir à des effets significatifs. Force est de reconnaître que la négociation impose une démarche pragmatique qui ne correspond pas forcément aux vœux des militants de l’écologie.
Mais ceux-ci ne sont pas toujours sur la même ligne et leurs dérives idéologiques ne contribuent pas à la clarté du débat. Celui-ci n’est d’ailleurs pas de caractère purement technique. Il se pose aussi en termes philosophiques et même théologiques. C’est pour cela que le pape François a consacré sa première encyclique, Laudato si’, à cette question qui concerne le statut même de la Création.
Ce terme de Création est à retenir, car préféré à celui de nature, il renvoie à un regard spécifique sur le cosmos et la place que l’homme y tient. Certains ont parfois imputé au commandement biblique « remplissez la Terre et soumettez-la » (Gn 1, 28), la responsabilité d’un impérialisme technique qui a abouti aux catastrophes que nous déplorons. Mais l’enseignement de la Bible ne correspond nullement à ce type de démesure. L’homme est gardien de cette Création qui lui a été remise comme un don et qu’il ne saurait abîmer. Un philosophe chrétien – de confession protestante – comme Jacques Ellul a montré que la foi en un Dieu tout Autre permettait d’échapper à toutes les idolâtries, et singulièrement à l’idolâtrie technicienne, celle-ci étant possédée par une sorte d’hubris dévorante et dévastatrice. Le pape François dans Laudato si’ a largement repris cette thématique, qui détermine des choix fondamentaux.
Si la technique est appelée à résoudre des difficultés posées par la dégradation de nos conditions de vie, elle n’apporte des solutions qu’à condition d’être subordonnée à un souci supérieur. N’y a-t-il pas une étrange contradiction, par exemple, à multiplier les éoliennes géantes, en transformant nos campagnes elles-mêmes en vastes zones industrielles ? Comme le note Olivier Rey dans le bel essai qu’il vient de consacrer à l’eau1, une conception utilitariste ne saurait remplacer une attitude de respect, voire d’admiration, devant la Création. « Loué sois-tu, mon Seigneur, pour notre sœur Eau, qui est très utile et très humble, précieuse et chaste. »
Dérives idéologiques : chez les chrétiens aussi
Par ailleurs, il faut être conscient de certaines dérives que le combat écologique peut provoquer en divers secteurs du christianisme. L’exemple d’un Eugen Drewermann a montré, à la fin du XXe siècle, comment l’idolâtrie de la nature pouvait se retourner contre la conception biblique du monde, une idolâtrie se substituant à une autre. Ce dont nous garde une vraie doctrine de la Création.
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- OBSERVATION : SCIENCE ET MIRACLE
- Quand le virtuel se rebelle contre le réel, l’irrationnel détruit l’humanité
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- CET UNIVERS OÙ NOUS PASSONS