C’est plus qu’une coïncidence providentielle si l’Église commémore la Toussaint et le Jour des Morts alors que l’automne cède la place à l’hiver dans cet hémisphère et que les signes de mort dans la nature servent de rappel puissant de notre fragilité et de notre mortalité, mais également du destin des saints dans la gloire éternelle.
Ces dernières années, beaucoup de choses ont été écrites sur le sujet de la mort et du décès, la plupart n’étant que la simple perpétuation de l’incapacité de l’homme moderne à faire face à la souffrance et à la mort. De ce fait, il est bon pour nous croyants de regarder la mort honnêtement et intelligemment en ce moment.
Lorsque nous penserons demain aux pauvres âmes du Purgatoire, nous ne devrions pas être écrasés de chagrin, car elles sont sauvées, et la pleine expérience du salut les attend au milieu de tous les saints que nous célébrons aujourd’hui dans une espérance joyeuse.
Ce que nous avons à faire, c’est de prier pour leur entière illumination et purification, et cette volonté nous conduit au second aspect de ces deux jours de commémoration : nous devrions commencer à voir à quel point nous sommes comme les âmes du Purgatoire. Elles sont pour le moment au sein d’un processus de purification, qui les rendra finalement prêtes à rencontrer leur Créateur et Seigneur dans toute Sa gloire, pour toute l’éternité.
Assez ironiquement, dans la mort, leurs yeux sont maintenant fixés sur le Christ comme leur but final plus sûrement et directement qu’ils ne l’ont été durant la vie. Leur situation se présente pour nous comme un avertissement silencieux mais puissant : préparez-vous maintenant ou plus tard.
Développer un sens des proportions et des priorités est essentiel pour vivre une bonne vie. Sainte Monique, la mère de Saint Augustin, a montré son objectivité lorsque ses proches, à son lit de mort, débattaient sur le lieu de son ensevelissement. Elle dit très simplement : « enterrez ce vieux corps n’importe où ; promettez-moi seulement ceci, que vous vous rappellerez de moi devant l’autel du Seigneur ».
Le message semble être : faites une dernière demande sensée et elle sera toujours entendue. Nous prenons à cœur le conseil de Sainte Monique en amenant nos amis et proches défunts devant l’autel du Seigneur.
Méditer sur la mort et la vie éternelle en ce moment de l’année nous apporte des pensées attristantes mais également d’autres consolantes. En dépit de la souffrance et de la peine causées par la perte d’une personne aimée, notre foi chrétienne nous propose de célébrer ce que nous appelons la communion des saints : l’union des saints dans le Ciel, des âmes du Purgatoire et de nous-mêmes toujours ici sur terre. La mort et la vie ne sont pas séparées par un gouffre infranchissable ; non, elles sont plutôt bien réunies – par un pont de prières.
La théologie de cette communion s’accompagne de poésie et de lyrisme – ce que beaucoup de gens tendent à oublier. En définitive, ces jours nous parlent de la puissance purificatrice et conquérante de l’amour. Vues dans cette lumière, nos célébrations pourraient être facilitées par quelque chose de l’art rassemblant tous nos thèmes.
Je pense à cette magnifique aria du Turandot de Puccini : Nessun dorma. Cela commence par : « Nessun dorma ! Nessun dorma ! » [ Que personne ne dorme!] Calef continue de chanter à sa jeune princesse Turandot :
Est-ce trop tiré par les cheveux que de voir en ces deux personnages engagés dans un amour imparfait (en raison de l’incapacité de Turandot d’aimer de tout son être) une image de Dieu et d’une pauvre âme du Purgatoire ?
Si vous connaissez l’intrigue de ce charmant opéra, vous vous rappellerez que Calef désire vraiment révéler son nom à Turandot – même si cela lui coûtera la vie. Alors qu’il fait cela, elle est transformée par son amour qui se sacrifie et devient capable de lui rendre cet amour. A ce moment, Calef conquiert – non par son esprit, non par son pouvoir, mais par son amour.
Je voudrais suggérer que c’est ce qui se passe au Purgatoire : petit à petit, chaque âme infortunée est confrontée à l’immensité accablante de l’amour de Dieu. De fait, quand Calef révèle le mystère de son nom à Turandot, elle ne proclame pas à tous le nom qu’il a murmuré ; à la place, elle crie : « Son nom est amour ! »
Nous prions que chacun d’entre nous apprenne cette leçon. Et jusqu’à ce que cela arrive, nous faisons écho à la requête de Calef : « Nessun dorma ! Que personne ne dorme ! » Que personne au ceil, sur terre, sous la terre ne dorme tant que chaque membre du Corps Mystique du Christ n’a pas encore appris que Son nom est Amour. Pour cela, la vigilance de notre amour et de notre prière est requise.
Quand notre pieuse vigilance sera récompensée et que cette leçon aura été apprise, le Christ et Son Corps tout entier sera victorieux des forces du Mauvais de façon définitive. Sur la Croix, le Christ a proclamé son premier « vincero » en toute confiance, l’Église lui fait maintenant écho à ces accords pleins d’espérance en union avec son Seigneur qui les a chantés en premier.
Ou encore, comme le vieux romain païen (mais si incroyablement chrétien) Virgile l’a énoncé : omnia vincit amor (l’amour vainc tout) !
Tous les saints du Ciel connaissent maintenant cette vérité par expérience ; les âmes du Purgatoire et nous-mêmes avons encore besoin d’appréhender toute la vérité de cette maxime. De façon intéressante, Virgile poursuit : « et nos cedamos Amori » (et nous cédons à l’Amour).
Puissent les saintes commémorations de ces jours nous enseigner, non seulement que l’amour vainc tout, mais que chaque être humain a besoin de s’abandonner à l’Amour. De cette façon, le Dieu qui est Amour sera capable de tous nous conquérir, faisant ainsi de nous des co-conquérants avec Lui. Écoutons l’appel : « nessun dorma ! » Proclamons la promesse : « vincero ! »