L’évêque Robert W. McElroy de San Diego a récemment accusé « certains évêques » d’avoir fait de l’avortement un « test décisif » pour les politiciens catholiques pendant la présidence de Biden. Ces évêques, a-t-il dit, « soutiennent que l’avortement n’est pas simplement une question « prééminente » dans l’enseignement social catholique, mais constitue plutôt de facto le « test décisif » pour déterminer si un fonctionnaire catholique est un catholique fidèle et pour déterminer si les positions politiques générales des responsables non catholiques peuvent être considérées comme moralement légitimes. »
Mgr McElroy est également déçu, semble-t-il, que certains évêques avancent « une position globale de confrontation » avec le nouveau président alors que le pape François « a placé la rencontre, le dialogue, l’honnêteté et la collaboration au cœur de son approche de la conversation publique » et ainsi serait « peu susceptible d’approuver » des actions punitives telles que le refus de la communion au président Biden en raison de son plaidoyer public pour l’avortement. Il a ajouté que « si elle est adoptée, une telle position réduira le bien commun à une seule question ».
Cet échange m’a fait imaginer comment un entretien similaire avec un éminent évêque allemand aurait pu avoir lieu dans les années 1930 et 1940. Que dirions-nous aujourd’hui d’un évêque qui aurait répondu aux atrocités perpétrées contre les Juifs pendant cette période en critiquant d’autres évêques tels que Konrad von Preysing, Josef Frings et Clemens von Galen pour avoir fait de la « question juive » un « test décisif pour déterminer si un fonctionnaire catholique était un catholique fidèle et pour déterminer si les positions politiques générales des fonctionnaires non catholiques pouvaient être considérées comme moralement légitimes » ?
Je veux dire, un fonctionnaire catholique pourrait-il être considéré comme un « catholique fidèle » s’il soutenait et aidait publiquement à mettre en œuvre l’arrestation et la déportation de millions de juifs ? La position politique globale d’un fonctionnaire non catholique pourrait-elle être considérée comme moralement légitime s’il participait à l’arrestation et à la déportation de Juifs ?
Je ne sais pas exactement pourquoi le fait pour un fonctionnaire d’être « non catholique » ferait une différence puisque, comme l’avortement, l’opposition à l’arrestation et à la déportation de Juifs n’a pas besoin de se fonder sur la révélation ; elle découle d’une reconnaissance naturelle de la dignité de la personne humaine. Donc « catholique » ou pas, est faux ; nous nous attendons à ce que les gens sachent que c’était mal ; et nous condamnons les responsables allemands pour leur implication.
Mgr McElroy dirait-il que notre situation est très différente de la leur ? Certaines personnes semblent le penser. Mais là encore, j’imagine que les évêques allemands des années 1930 et 1940 pensaient que leur propre situation morale était « très différente » des pogroms antérieurs contre les Juifs en Russie ou ailleurs en Europe au cours des siècles précédents. Lorsque l’on vit à l’époque des nazis, on ne dit pas : « Hé, je ne suis pas Nazi ! » comme nous le faisons maintenant. On dit : « Hé, comment osez-vous me comparer, moi et mes nobles frères nazis, à ces barbares en Russie. » Ou « Hé, nous ne sommes pas des Séleucides, vous savez ! »
Oui, je reconnais que les cas sont différents. Dans le cas des évêques en Allemagne, beaucoup d’entre eux ne savaient pas que les Juifs étaient envoyés dans des camps de la mort. Mais ne vous y trompez pas, ils en savaient assez. L’arrestation et la déportation du peuple juif étaient suffisamment graves pour mériter une condamnation répétée au point de risquer de graves conséquences, telles que l’arrestation ou même le martyre. Beaucoup ne savaient pas, bien sûr, que les Juifs étaient exterminés. Nous, par contre, sommes absolument certains de ce qui arrive à ces enfants non-nés. Les cas sont également « différents » en ce que les évêques allemands risquaient de graves conséquences s’ils s’exprimaient. Nos évêques risquent… quoi exactement ?
Alors oui, les cas sont différents, mais pas d’une manière qui excuserait un évêque américain.
Mgr McElroy semble mécontent que certains évêques avancent « une position globale de confrontation » avec le nouveau président alors que le pape François « a placé la rencontre, le dialogue, l’honnêteté et la collaboration au cœur de son approche de la conversation publique ». Eh bien, je suppose que si quelqu’un croit en « l’honnêteté », il pourrait dire à quelqu’un comme Joe Biden : « Pour être honnête, vous tuez des bébés. » En ce qui concerne la « rencontre », n’est-ce pas le fait que Biden ne rencontrera jamais d’enfants avortés ? Ils sont morts. Nous cherchons à donner une voix à ceux qui ont été réduits au silence.
Ce qui nous amène à la « collaboration ». Je suppose qu’un évêque allemand des années 1930 et 1940 aurait pu affirmer qu’il préférait une stratégie de « collaboration » à la « confrontation » avec le gouvernement d’Adolf Hitler, faisant appel à l’autorité du pape Pie XII, qui, lorsqu’il était secrétaire d’État du Vatican, avait arrangé le Reichskonkordat avec le gouvernement allemand. Maintenant, cela serait complètement nul, bien sûr, mais un évêque allemand aurait pu le dire. Et certains l’ont fait. Ils étaient critiques (sans aucun doute avec cette sophistication éduquée dont les Allemands sont si capables) de leurs frères évêques « conflictuels » qui, à leur manière simple et résolue, ont tellement suivi le gouvernement allemand à propos des Juifs qu’ils semblaient « réduire le bien commun à un seul problème ».
Mais là encore, pourrait-il y avoir une sorte de « bien commun » authentique pour une nation exterminant des millions de personnes ? Personne aujourd’hui ne dit : « Hitler, bien sûr, n’était pas génial sur la question juive, mais il a vraiment remis la classe ouvrière au travail, amélioré les soins de santé et fait circuler les trains à l’heure. » Ce serait moralement odieux pour la plupart des gens sensés et honnêtes.
On se demande si notre évêque allemand – dévoué (du moins dans son esprit) au plus grand bien de l’Allemagne, qui a refusé de réduire « le bien commun » à « une seule question », celle de « que faire des juifs ? », et qui s’est dit en faveur de la « collaboration » plutôt que de la « confrontation » – si cet évêque se serait rassuré en disant : « Je suis certain que personne ne reviendra dans cinquante ans et ne dira à mon sujet : « Quel genre d’évêque se serait targué d’être un collaborateur avec un gouvernement qui a accéléré le meurtre de millions de personnes ? »
En effet, je me demande ce que dirait rétrospectivement Mgr McElroy à propos de cette sottise si pauvre et illusoire ?