L'évêque John Fisher et Thomas More - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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L’évêque John Fisher et Thomas More

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Statues des saints John Fisher et Thomas More (tous deux canonisés en 1935) encadrant la liste des noms de quarante martyrs de la Réforme Anglaise canonisés en 1970

Statues des saints John Fisher et Thomas More (tous deux canonisés en 1935) encadrant la liste des noms de quarante martyrs de la Réforme Anglaise canonisés en 1970

église Notre-Dame des Victoires de Kensington, Londres.

L’admirable John Fisher est entré à Cambridge à l’âge de 14 ans ; il a été ordonné prêtre en 1491 à l’âge de 22 ans ; et dix ans plus tard il est devenu recteur d’université, accédant au grade de président honoraire de sa bien-aimée université en 1504. La même année, il fut nommé évêque de Rochester.

Il sera le confesseur de la mère du roi Henry VII et peut-être également le précepteur du prince qui deviendra le roi Henry VIII – et ordonnera l’exécution de Fisher.

Quand Henry a cherché à mettre fin à son mariage avec sa première femme, Catherine d’Aragon, une audience s’est tenue au tribunal légatin. L’évêque Fisher a servi de conseiller juridique à la reine.

Quand Catherine s’est présentée toute seule pour plaider sa cause, c’était simple, puissant – et touchant. Elle avait mis au monde les enfants d’Henry, y compris trois fils morts ; elle a certifié qu’au moment de leur mariage « j’étais une vraie jeune fille qu’aucun homme n’avait jamais touchée ». Et pour finir, elle a rappelé à Henry que le pape avait promulgué une bulle confirmant que leur mariage était valide.

Même un rassemblement d’évêques dociles pouvait être contrit. Néanmoins, l’affaire était entendue. Henry a déclaré que les évêques supportaient unanimement sa cause, et l’archevêque de Canterbury intervint pour dire : « tous mes frères ici présent diront de même ».

Mais le moment de gloire fut rapidement dissipé quand l’évêque Fisher déclara fermement : « non, monsieur, pas moi. Vous n’avez pas mon consentement pour cela ». Et cela le mit sur le chemin conduisant à son exécution.

En cours de route, le roi essaya de faire empoisonner Fisher, mais il avait oublié son ascétisme. Fisher ne mangea rien mais son domestique, qui faisait le ménage, mourut.

Fisher et son alter ego, le saint Thomas More, cherchèrent à préserver un respect courtois envers le roi même alors qu’ils refusaient de prêter serment que Henry était maintenant le chef suprême de l’Eglise en Angleterre. Le Succession Act allait balayer d’un trait de plume la revendication de Rome à l’autorité sur les prêtres et les églises et à l’attachement respectueux des fidèles.

Avec une longue et éminente carrière dans la loi, la diplomatie et la répression des hérétiques, More était monté jusqu’à devenir Grand Chancelier. En cours de route il était devenu un intime d’Henry ; il pouvait cependant faire remarquer, avec une sobriété inébranlable que « si ma tête pouvait gagner [à Henry] un château en France, elle ne manquerait pas de tomber ».

Beaucoup a été dit sur la légende de Thomas More, mais beaucoup moins d’attention a été accordée à Fisher. Et pourtant l’histoire de Fisher révèle un record de courage et de conviction pas moins grand que celui de More. Car ils partageaient la même profondeur de foi qui seule peut expliquer pourquoi l’un et l’autre ont été capables de marcher vers leur mort – et la sainteté – avec autant d’entrain.

Mais l’histoire de Fisher est maintenant rappelée et liée à l’histoire de More de la façon la plus révélatrice avec le nouveau livre de Robert Conrad « John Fisher and Thomas More : Keeping Their Soul While Losing Their Heads » (John Fisher et Thomas More : sauvant leur âme en perdant la tête). More fit ce commentaire au jury qui l’avait condamné, espérant que « nous puissions pourtant nous retrouver tous joyeusement plus tard au ciel, pour notre salut éternel ».

Il embrassa le bourreau sur le point de l’exécuter et lui dit : « vous allez me donner aujourd’hui le plus grand avantage qu’un mortel puisse me donner ». Comme Fisher se préparait calmement pour son exécution, il revêtit ses plus beaux habits et dit à son serviteur que c’était son jour de noces et qu’il lui incombait « de s’habiller pour la solennité du mariage ».

L’histoire offre un mélange dramatique de loi et de théologie, et Conrad y apporte le regard d’un ancien procureur fédéral, maintenant juge fédéral supérieur en Caroline du Nord. Mais il apporte également le point de vue d’un catholique fervent, qui prend très au sérieux la foi qui a éliminé chez ces hommes la peur de la mort.

Les épreuves par lesquelles sont passés More et Fisher ne passeraient pas exactement le test de « l’application régulière de la loi » à notre époque. Mais Conrad nous mène au travers du fouillis. More et Fisher ont refusé de prêter serment confirmant le divorce de Henry ou l’Acte de Suprématie, qui établissait Henry comme chef suprême de ce qui était devenu l’Eglise « d’Angleterre ».

More et Fisher se sont rabattu sur l’interprétation de la loi selon laquelle le silence implique le consentement. Ils ont fait appel à la « conscience » comme moyen de montrer la volonté de « malice » qui était nécessaire au crime. Mais le silence, bien sûr, ne ferait pas l’affaire, et donc la loi ultérieure déclara le refus de prêter serment comme « félonie et forfaiture ».

Cette notion de « conscience » a été mère de sérieuse confusion dans cette histoire. Le compte-rendu le plus célèbre a été fait dans la pièce de Robert Bolt tournée en film « A Man for All Seasons » (Un homme pour toutes les époques). Mais comme Gunnar Gundersen l’a fait remarquer dans ces colonnes, Bolt nous a offert un More affublé des « clichés » de notre propre époque.

Bolt fait dire à More que ce qui importe n’est pas qu’il croit ses arguments être vrais mais qu’il y croit. Dans le jargon de notre temps, Bolt cherche à montrer que le guide pour More, c’est d’être en accord avec lui-même.

Cela se pose en total contraste avec l’enseignement de Jean-Paul II pour lequel la « conscience » est dirigée vers un ensemble objectif de normes morales qui nous sont extérieures. Et comme le montre Robert Conrad, c’est la seule explication qui vaille de l’attitude de More.

Pour Bolt, la clé pour comprendre More était la « possession de soi » – More était un « héros de l’individualisme ». Prendre cette voie, comme l’a dit Jean-Paul II, c’est se diriger vers une compréhension « subjectiviste » et de cette manière « les vérités incontestables disparaissent ». Conrad a saisi le cœur du sujet :

« [More et Fisher] n’étaient pas des adeptes inflexibles de la volonté propre mais des serviteurs de l’unique vrai Dieu qui a parlé par son Verbe et son Église. Leur conviction partagée était que… Dieu était vérité et que son Église était un institution répandant la vérité ».

Et cela, comme le dit Conrad, est vraiment un « message pour toutes les époques » et un texte « pour les générations à naître ».