Ils s’appelaient Hans-Helmut Michel, 13 ans ; Maurice Schlosser, 15 ans ; Jacques Halpern, 17 ans. Trois adolescents juifs que le Père Jacques de Jésus avait tenté d’arracher à la barbarie nazie. En vain. Arrêtés le 15 janvier 1944, au Petit Collège d’Avon où le religieux les cachait sous les noms de Bonnet, Sabatier et Dupré, ils seront gazés dès leur arrivée à Auschwitz. Le Père Jacques ne leur survivra pas longtemps. Déporté à Gusen, un camp voisin de Mauthausen, il meurt d’épuisement à l’hôpital Sainte-Élisabeth de Linz le 2 juin 1945, après la libération du camp.
La Province de Paris des carmes déchaux et la municipalité d’Avon avaient choisi la date anniversaire de sa mort pour inaugurer le « Mémorial Père-Jacques », en hommage à l’homme complet qu’il fut, au modèle qu’il demeure : « Éducateur, prêtre, carme déchaux, résistant, déporté, apôtre, martyr de la charité, Juste parmi les nations. »
Forte tête
Le Père Jacques de Jésus est né Lucien Bunel le 25 janvier 1900, à Barentin (Seine-Maritime). Il se destine très jeune à la prêtrise et prédit à 5 ans : « Je serai un grand Monsieur le curé. » Au petit séminaire de Rouen, il se distingue par son caractère décidé. C’est « une forte tête ». Ordonné prêtre en 1925, attiré par la vie monastique, il prononce finalement ses vœux au Carmel de Lille, en 1932, après avoir été tenté par la vie cistercienne. Ce dépouillement lui convient : « J’ai trouvé au Carmel tout ce que j’attendais et dont j’avais un besoin profond, écrit-il. Ma vie est tout enveloppée de silence et s’écoule presque totalement au chœur dans une affectueuse rencontre avec Dieu. »
En mars 1934, le Père Louis de la Trinité – qui deviendra l’amiral Thierry d’Argenlieu après avoir rejoint De Gaulle à Londres – lui confie la création du Petit Collège Sainte-Thérèse de l’Enfant-Jésus à Avon. Il y déploie une activité inlassable, mû par une conviction simple et impérieuse : « Le vrai but de toute éducation humaine doit être la sainteté. » Sa pédagogie est imprégnée par le scoutisme, qu’il a pratiqué à la fin des années 1920 comme aumônier d’une troupe havraise : « Quel moyen puissant et efficace d’éducation complète pour les enfants et pour les jeunes gens ! » Son charisme impressionne. C’est un orateur qui ne multiplie pas les effets mais captive l’attention des enfants par sa bienveillance : « Il parlait lentement, très doucement, si doucement que cela était comme une prière. » Lors de son inhumation à Avon, le 26 juin 1945, son cercueil sera porté par des scouts.