Faut-il de nouveau dresser l’état des lieux des vocations en France ? Oui, sans doute, car sans diagnostic précis, il est difficile d’identifier les remèdes les plus adaptés. Rappelons ainsi qu’avec 125 prêtres ordonnés et 850 séminaristes recensés en 2020, l’Église en France continue de se maintenir à un plancher très bas, atteint au début des années 2000. Cet étiage ne permet pas le remplacement des prêtres dont la moitié – ils sont environ 12 000 au total – est âgée de plus de 75 ans.
La comparaison de ces chiffres avec ceux d’un passé récent est vertigineuse. Juste au sortir de la Seconde Guerre mondiale, on enregistrait ainsi jusqu’à plus de 1 600 ordinations sacerdotales par an. Pic spectaculaire qui a été suivi d’un effondrement tout aussi impressionnant, puisque l’on n’en comptait plus que 800 en 1954, soit deux fois moins. Les conséquences sont connues : contraction du nombre de paroisses, épuisement des prêtres, fermeture des séminaires comme, récemment, ceux de Bordeaux et Lille. Et, surtout, réduction drastique de l’offre sacramentelle. Chacun semble désormais admettre qu’il faille parcourir des kilomètres dans les régions les plus désertifiées pour aller à la messe, quand elle n’est pas remplacée par une assemblée dominicale en l’absence de prêtre (ADAP). Ou que désormais des funérailles puissent se dérouler sans messe et soient remplacées par des cérémonies animées par des laïcs, dont on ne saurait relativiser le dévouement, mais qui ne remplaceront jamais les ministres ordonnés.
Au-delà des statistiques
Mais se limiter à l’examen comptable des seules statistiques peut cependant se révéler vite stérile, car il peut conduire à poser sur ce phénomène le seul regard du sociologue ou de l’historien, certes indispensable, mais insuffisant. Chacun, en fonction de ses propres biais, aura tendance à privilégier un facteur d’explication unique. L’exode rural, la réforme conciliaire, les « idées de mai 1968 », la théorie de l’enfouissement, le désinvestissement épiscopal, l’érotisation de la société et les scandales sexuels ou financiers, l’absence de reconnaissance sociale et la frugalité matérielle inhérentes au sacerdoce… Autant de raisons qui, pour certaines, ne manquent pas de fondements et qui sont systématiquement avancées dès lors que l’on cherche à comprendre la diminution des vocations sacerdotales. Autant d’explications qui souvent débouchent sur des propositions uniques, parfois réductrices, souvent opposées, qui ne permettent sans doute pas d’entrer dans la complexité de cette attrition, sinon dans son mystère. Dit de façon caricaturale, il suffirait pour les uns de revenir à la liturgie préconciliaire pour susciter de nouvelles vocations, et pour les autres, d’autoriser l’ordination des hommes mariés ou de laisser les prêtres convoler. Au risque du simplisme pour les premiers, de la déviance pour les seconds.
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