Quelles évolutions majeures avez-vous constatées dans la jeunesse au cours des quinze dernières années ?
Abbé Vincent de Mello : La jeunesse d’aujourd’hui est un champ de ruines… Elle a été sacrifiée, privée de la transmission intellectuelle et spirituelle. Et elle présente aujourd’hui de grandes fragilités en raison de l’abêtissement qui lui a été imposé. Ceux des jeunes qui en prennent conscience pourraient bien nous le faire payer un jour… Certes, il existe toujours une élite qui s’en tire, parce qu’elle dispose des moyens d’accéder à la culture. Mais l’ascenseur social ne fonctionne plus. Les milieux populaires sont ainsi privés de référentiels et de vision. On assiste à un véritable nivellement par le bas dont l’objectif est de transformer les jeunes en consommateurs compulsifs. À nous d’être plus ambitieux qu’eux et de leur faire découvrir d’autres belles choses !
Don Louis-Hervé Guiny : Je ne dirais pas qu’il s’agit d’une génération sacrifiée : ce serait trop pessimiste. Au séminaire, nous rencontrons ainsi des jeunes sensibles au concept de transmission et qui souhaitent en être des acteurs. Mais il est vrai que le séminaire est sans doute un cadre qui permet de leur apporter ce point d’équilibre qui leur manque aujourd’hui. Néanmoins, je partage globalement les constats que l’abbé de Mello. Même au séminaire, nous constatons que les évidences d’hier ne le sont plus aujourd’hui. Le rapport à l’autorité, et donc à l’obéissance, est devenu difficile, subjectif, influencé par une forme de relativisme de la conscience. Obéir à des règles objectives est de moins en moins évident : beaucoup d’entre eux n’obéissent que s’ils « le sentent », s’ils y perçoivent un intérêt immédiat. Par ailleurs, leurs repères aussi sont plus relatifs. Leur vision du Bien commun est marquée par un individualisme croissant qui peut avoir un impact négatif sur la cohésion du groupe. Du point de vue des connaissances, je constate une chute de la culture générale. Les jeunes ont été bien plus nourris par les réseaux sociaux et Internet que par les Classiques. Les écrans ont entraîné une grande accélération du temps qui a engendré le règne de l’immédiateté et de l’instantanéité, ce qui peut déboucher sur une projection dans l’avenir plus angoissée. S’engager « pour toujours » peut être une vraie difficulté. La génération précédente considérait plutôt cet engagement comme une force sur laquelle s’appuyer. Aujourd’hui, les jeunes éprouvent toujours ce désir, mais spontanément, ils ont peur de ne pas y arriver, de ne pas être à la hauteur… La persévérance est également impactée par ce nouveau rapport au temps : c’est une génération qui zappe beaucoup, qui passe d’une activité à l’autre, qui a beaucoup de mal à se concentrer, à écouter. Les conséquences sur la vie spirituelle sont importantes : l’apprentissage de la vie intérieure, en particulier de la prière en silence, est plus douloureux. Il faut compter quasiment un an de plus pour la construction de l’intériorité…
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