Prenez garde à vos ennemis de peur de devenir comme eux - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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Prenez garde à vos ennemis de peur de devenir comme eux

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Jardin d'agrément au labyrinthe, Lodewijk Toeput, v. 1584

Jardin d'agrément au labyrinthe, Lodewijk Toeput, v. 1584

[Palais de Holyroodhouse, Édimbourg, Écosse]

Ces jours-ci, c’est un grand défi que d’essayer de garder des amis des deux côtés de la fracture idéologique. Parfois, quand vos amis découvrent que vous ne voyez pas les choses exactement de la même façon qu’eux – la vision dont leur clan assure qu’elle est celle avec laquelle il faut voir les troubles actuels – alors vous êtes finis. Vous pourriez aussi bien avoir la peste.

Dans d’autres situations, la difficulté surgit lorsqu’on essaie de convaincre des amis d’un bord que ceux de l’autre bord peuvent vraiment être des gens raisonnables qui se trouvent voir les choses différemment. Essayez de convaincre quelqu’un qui vilipende Donald Trump, Josh Hawley ou Mitch McConnell que les gens de l’autre bord voient Joe Biden, Nancy Pelosi et Chuck Schumer sous le même angle – comme essentiellement mauvais et la source première des maux de l’Amérique.

Essayez de demander aux gens qui traitent Nancy Pelosi de vieille peau accro au pouvoir qui ne peut pas supporter de perdre sa mainmise sur le pouvoir comment ils ressentent les journalistes traitant constamment Donald Trump de « malade » et « d’obèse ».

Je demande aux deux côtés d’arrêter.

« Regardez, ces gens ont franchi la ligne ! »

D’accord. Mais quels gens ? Quel groupe choisissez-vous ? Comment définirions-nous les choses ? Franchir la ligne définie par la Constitution, c’est ce que font les politiques ces jours derniers et ils sont ensuite applaudis par leurs alliés idéologiques. Trop d’entre nous célèbrent ces attaques anti-constitutionnelles quand elles servent nos préférences idéologiques et se sentent ensuite « choqués et outragés » dans le cas contraire.

Avez-vous aimé quand le président a pris des décrets sur des sujets pour lesquels il aurait dû obtenir l’approbation du Congrès ? Bien, alors je suppose que vous devez être ravis maintenant que Joe Biden prend des décrets sur des sujets pour lesquels il aurait dû obtenir l’approbation du Congrès ou qu’il aurait dû laisser au jugement des états.

Je pensais que nous élisions un président et non un roi. Vous ne pouvez pas vous réjouir d’une illégalité constitutionnelle et être scandalisés par une autre. Pourquoi certains semblent-ils penser que la Constitution a été écrite en vue de favoriser un groupe idéologique au détriment des autres. Ce n’est pas le cas. Elle a été écrite précisément pour éviter cela.

Si vous pensez que la politique consiste à déployer votre volonté de puissance, alors, par pitié, ne soyez pas surpris de découvrir que l’autre camp a la même vision des choses. Le pire est la revendication de tant de gens qui pensent que leur camp est exempt du sordide qu’ils voient si clairement chez leurs opposants.

Je me rappelle avoir été, un après-midi, assailli d’une longue harangue par un jeune homme très comme il faut expliquant combien, selon lui, Mitch McConnell était mauvais et comment les Républicains ne faisaient que jouer des jeux de pouvoir alors que les Démocrates usaient d’arguments raisonnés. Je lui ai rétorqué que c’était intéressant – il avait certainement « droit à son opinion ». Mais que j’avais un problème avec cette revendication : j’avais eu un réquisitoire presque identique, avec les mêmes récriminations, de la part d’amis conservateurs, seulement c’étaient Nancy Pelosi et les Démocrates que étaient les criminels au lieu de McConnell et les Républicains.

Mon jeune ami trouvait cela ridicule. « Non », a-t-il insisté « il n’y a pas d’équivalence morale : les Républicains font de mauvaises choses et sont à la botte des riches ». « J’imagine que c’est le cas de certains d’entre eux » ai-je répliqué « tout ce que j’essaie de souligner c’est que j’ai des amis de l’autre bord qui prétendent que ce sont les Démocrates qui ‘font de mauvaises choses’ et qui ‘sont à la botte des riches’ ».

Il déclara bruyamment ce que je suppose de nombreux lecteurs pensent de lui. « Quiconque pense cela a objectivement tort ».

« Cela se peut » ai-je accordé, « mais comment pourriez-vous le savoir ? Dans quelle mesure les connaissez-vous ? Et connaissez-vous leurs arguments ? Et dans quelle mesure connaissez-vous les choses dont vous parlez ? Y a-t-il des complications auxquelles les deux camps sont aveugles ou qu’ils évitent en raison de leur dévouement à un corpus de présupposés idéologiques et à un méta-récit au travers duquel ils voient les événements ? Ils peuvent avoir leurs aveuglements, mais encore une fois, c’est peut-être également le cas pour vous et moi. N’est-ce pas pour cela que nous entrons en discussions au cours desquelles nos arguments, présupposés et conclusions peuvent être confrontés aux meilleurs arguments de l’autre camp ?

Lorsque je parle à des progressistes pur jus ou à des conservateurs d’une certaine sorte, les deux côtés se plaignent que ceux de l’autre bord sont « non informés », « ignorants » et plus précisément incapables de s’engager dans une discussion raisonnable. « Vous ne pouvez pas parler avec ces gens-là ! » (Vous voulez dire des gens comme nous?)

Notre problème n’est pas simplement que nous sommes divisés idéologiquement. Notre plus grand problème est que chaque camp manque d’une connaissance de soi lucide et ignore combien il est aveuglé par sa propre idéologie de sorte qu’il ne peut pas voir ses opposants avec un tant soit peu d’objectivité, ne parlons même pas de charité.

Aucun des deux camps n’a la capacité de voir que les deux côtés présupposent qu’ils sont « plus intelligents », « mieux informés » et ont de meilleures intentions que leurs opposants, et comme résultat ils ont toutes les raisons de dédaigner les arguments de l’adversaire. Nous (quel que soit ce « nous »)pouvons ne pas les prendre au sérieux (quels qu’ils soient) parce qu’ils sont si ignorants, si grossiers et si pénétrés de mauvais vouloir.

Et donc la haine et le mépris vont croissant, les deux camps supposant que le moyen de « Rendre sa grandeur à l’Amérique » ou de « Restaurer l’âme de l’Amérique » (faites votre choix) est de réduire au silence l’adversaire. Les deux camps demeurent oublieux de la vérité évidente manifestée à de nombreuses reprises au cours de l’histoire : cette sorte d’aveuglement idéologique, de récrimination réciproque et de mépris et la route la plus sûre pour aboutir à la ruine et à la désolation pour le pays tout entier. Personne ne gagne et tout le monde perd.

Alors quand je vois soit mes amis conservateurs soit mes amis libéraux se réjouir de taper sur quelque bête noire de l’autre parti (oh, comme nous aimons haïr), je leur offre l’avertissement qu’un ami avait l’habitude de me donner : « méfiez-vous de vos ennemis ; vous devenez comme eux ». Ou ainsi que Pogo, le célèbre opossum de bande dessinée de Walt Kelly l’a dit un jour : « nous avons rencontré l’ennemi, c’était nous ».