J’aurais pu titrer « la passion de la patrie », mais ces termes ne correspondent pas à la pureté de la pensée athénienne du grand orateur. « Patrie », « nation ». Ces mots qu’il faut redéfinir ont trop souffert des discours qui ont suivi, chez nous, la Révolution.
Ils ont perdu leur caractère concret de « terre des pères », pour la patrie, de « communauté des morts, des vivants et des enfants à naître » pour la nation, pour devenir des abstractions.
Démosthène parle pour une ville dont Alphonse Daudet, goguenard, disait qu’elle avait la taille d’une sous-préfecture d’un département du Midi. Mais la taille importe peu. Athènes, avant Rome, est la ville, ou, plutôt, la Cité. Elle est le modèle de l’organisation politique. Les Grecs le savaient. La quantité est secondaire. Ce qui compte c’est « la claire et douce qualité » (Charles Maurras, Invocation à Minerve, 1902). Elle dit tout, et ce que dit Démosthène, appelant ses concitoyens à la défense de leur liberté, en 350 av. J.-C., reste vrai pour les nations d’aujourd’hui et de demain. Telle est la force des Classiques. Dégagées des contingences du temps, leurs pensées accèdent à l’intemporel. Ils furent, pleinement, les hommes de leur temps et ils sont d’un même mouvement les hommes de l’éternel.