Saint John Henry Newman a un jour fait remarquer que les gens pensent toujours que leur époque est la pire. A toutes les époques, disait-il « des esprits sérieux et inquiets, sensibles à l’honneur de Dieu et aux besoins de l’homme, sont disposés à considérer qu’aucune époque n’est aussi périlleuse que la leur ». De fait nous voyons cela depuis Ciceron – O tempora ! O mores ! – en passant par Thomas Paine – Voici les temps qui mettent à l’épreuve les âmes des hommes! – jusqu’au hyperboles politiques actuelles.
Ironiquement, Newman faisait cette observation étant sur le point d’affirmer que les épreuves de son temps étaient vraiment les pires. Elles étaient telles que « même des âmes aussi courageuses que Saint Athanase, Saint Grégoire le Grand ou Saint Grégoire VII auraient été consternées et en auraient eu le vertige. Et ils auraient reconnu qu’aussi sombres qu’étaient pour eux les perspectives de leur propre époque, la nôtre a une obscurité d’une sorte différente de toutes celles qui ont précédé ».
On compatit.
Lorsque nous regardons les décombres culturels, politiques et ecclésiastiques autour de nous, nous sommes tentés de conclure de même. Division politique, relativisme culturel, persécution religieuse qui couve, infidélité à grande échelle, confusion ecclésiastique – tout cela rend notre époque difficile et laisse présager plus de difficultés à l’avenir.
Cependant, il est de peu d’utilité et souvent à rendre fou d’essayer de situer exactement notre époque sur la carte des temps troublés. Ce qui importe, ce n’est pas dans quelle mesure les maux actuels se comparent à ceux d’hier, mais comment nous y répondons. Dans de telles circonstances, il est bon de revenir aux principes fondamentaux. Et c’est justement ce que fait l’évangile de ce jour (24 janvier) dans Marc 1:14-20.
La semaine passée, le monde se polarisait sur l’investiture présidentielle. L’évangile de ce jour présente une autre investiture – très différente et bien plus importante : le commencement du ministère public de Notre Seigneur. « Après l’arrestation de Jean, Jésus vint en Galilée, proclamant la bonne nouvelle de Dieu. »
Notre Seigneur offre même un bref discours inaugural : « Voici le temps de l’accomplissement ; le Royaume de Dieu est à portée de main. Repentez-vous et croyez à la bonne nouvelle. » Contrairement aux discours express typiques des agendas surchargés, les mots de Notre Seigneur sont centrés sur les vérités éternelles. Elles sont intemporelles et de ce fait appropriées à toutes les époques de l’histoire, y compris la nôtre.
Il déclare : « voici le temps de l’accomplissement ». Pour les anciens Israélites, cela avait une signification spécifique : la réalisation de tout ce qui avait été promis et prophétisé depuis des siècles. Le Messie tant attendu est venu. Le Royaume de Dieu n’est plus un objet de désir, il est maintenant à portée de main.
Plus largement, nous pouvons prendre « le temps de l’accomplissement » pour indiquer que tout moment et toute époque n’ont de sens qu’en relation avec le Christ et Son Royaume. Il relie toute l’histoire à Lui et la met ainsi dans la perspective appropriée. Si nous essayons d’interpréter les temps qui sont les nôtres et d’y répondre indépendamment de Lui, nous les lisons de travers. Erreur tragique.
Voici quelle est la perspective proprement surnaturelle : mesurer nos circonstance actuelles, non à l’aune des normes et solutions du monde, mais en accord avec la réalité et la puissance du Royaume de Dieu qui est à portée de main tout autant maintenant qu’il y a 2 000 ans. Et ce Royaume requiert deux choses : la repentance et la foi.
« Repentez-vous » est le commandement sur lequel est fondé l’Évangile. Il est toujours de saison. Le péché, c’est la construction de mon propre petit royaume insignifiant. Il peut bien être un endroit sordide, égoïste et morose, mais au moins c’est le mien. Être admis dans le Royaume de Dieu requiert que je me repente et renonce à ce misérable royaume rival.
Cette repentance endosse une plus grande signification lorsque nous sommes appelés à affronter les maux de notre époque. Le plus grand danger, dans cette guerre, est d’adopter les tactiques immorales de l’ennemi. Ainsi, en nous opposant à la culture de mort, nous risquons de devenir plus amers, aigris et insensibles. Notre réponse au mal doit toujours être vue en relation avec « le temps de l’accomplissement », et donc elle doit être précédée de notre repentance. Seul un cœur réformé par le Christ peut voir avec clarté et parler avec charité.
Les prophètes d’Israël ne se sont jamais considérés comme exempts de l’immoralité de leur peuple. « Malheur à moi ! Je suis perdu » dit Isaïe, « car je suis un homme aux lèvres impures et je demeure au milieu d’un peuple aux lèvres impures » (Isaïe 6:5). Le premier pas pour parler en vérité est de nous repentir de nos propres actions contre la vérité. Comme nous avons obligation de porter témoignage à la vérité, nous devons reconnaître que nous sommes rebelles, pécheurs et dans le besoin de la vérité que nous proclamons.
Ensuite « croire à la Bonne Nouvelle ». La repentance lave nos âmes , la foi les ouvre à la grâce et à la vérité de Dieu. Une fois encore, cela prend une signification plus profonde dans nos temps éprouvants. Contre l’obscurité croissante, la lumière de la foi nous rend capables de juger sagement, de sorte que les tromperies du monde ne nous égarent pas. Cette foi nous rend également vaillants, capables de tenir bon et de persévérer, parce que nous connaissons Celui en qui nous avons cru (voir 2 Timothée 1:12)
Un échange entre Frodon et Gandalf est éclairant. Le pauvre hobbit vient juste d’apprendre que le terrible Sauron revient et menace la Terre du Milieu. Il dit : « Je souhaiterais que cela ne soit pas arrivé à mon époque. » Encore une fois, on compatit. Mais Gandalf répond : « Moi de même, ainsi que tous ceux qui vivent à de telles époques. Mais ce n’est pas à eux de décider. Tout ce que nous avons à décider, c’est ce que nous allons faire avec le temps qui nous est donné. »
Pour nous, la chose primordiale à faire avec le temps qui nous est donné est de nous repentir et de croire à l’Évangile.
Pour aller plus loin :
- La pertinence de Newman
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- OBSERVATION : SCIENCE ET MIRACLE
- EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE « AFRICAE MUNUS » DU PAPE BENOÎT XVI
- Quand le virtuel se rebelle contre le réel, l’irrationnel détruit l’humanité