Les Petites Sœurs et la Cour : on avance à tâtons - France Catholique
Edit Template
« Ô Marie conçue sans péché »
Edit Template

Les Petites Sœurs et la Cour : on avance à tâtons

Copier le lien
sistersscotus2020-1.jpg

© Petites sœurs des pauvres

La semaine dernière [Ndr: la chronique originale date du 14 juillet], la Cour suprême a rompu avec sa série de décisions récentes, et a tenté, pour le moment, de faire quelque chose d’honnête. La Cour est allée de nouveau au secours des Petites Sœurs des pauvres…en quelque sorte.

Selon ce qu’a écrit le juge Thomas, la Cour a décidé que l’administration Trump n’avait commis aucun faux-pas, ni aucune violation des procédures administratives, en cherchant à exempter certaines entités religieuses de l’obligation d’offrir la contraception et l’avortement à leurs employés.

L’administration précédente considérait cette prise en charge comme une obligation qui venait de la logique de l’Obamacare. Mais il faut leur rendre cette petite justice, ils ont vraiment cherché à mettre au point un arrangement minimum avec les groupes « sans but lucratif » se disant « religieux ». Les petites sœurs pouvaient obtenir une exemption si elles certifiaient qu’elles avaient de sincères objections religieuses à la contraception et le truc était le suivant : Leur assureur paierait les contraceptifs dans un fond séparé de leur régime de soins.

Mais les sœurs n’ont pas pu accepter l’astucieux « système D ». Si le paiement était déclenché par le fait que les bénéficiaires étaient les employés des petites sœurs, alors leur emploi devenait le motif de la couverture santé et les sœurs continuaient à se considérer complices de l’approvisionnement en contraceptifs.

L’administration Trump a tenté d’élargir les exemptions pour les organisations religieuses, même pour les entreprises dirigées par des gens qui professaient qu’ils avaient des objections religieuses à la contraception et à l’avortement. Cette décision amena le New Jersey et la Pennsylvanie en justice, plaidant que c’était l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire en contradiction avec la loi sous-jacente et avec les procédures légales établies.

Mais, comme l’a fait remarquer le juge Thomas, c’est le Congrès lui-même, en faisant passer l’Obamacare, qui n’a pas réclamé la prise en charge de l’avortement dans ce plan. Ce sujet a été laissé à l’élaboration de l’administration du jour. L’administration Trump n’a fait qu’exercer son pouvoir discrétionnaire d’une façon légèrement différente, avec un accommodement plus généreux en faveur de la religion. La Cour voudrait simplement soutenir la légalité de ce choix discrétionnaire, sans rien dire du fond de la politique.

Le juge Alito est vite intervenu pour remarquer : c’était cela, et rien de plus. La Cour n’avait rien fait pour raffermir la protection des religieux sous l’Obamacare et sous aucune autre loi. Elle n’a fait que laisser l’affaire entre les mains des institutions, et tout le monde sait bien que si une administration Biden entre en scène, ces décrets de l’administration Trump seront instantanément supprimés. Les petites sœurs pourront toujours ameuter les cours pendant les années à venir.

Le juge Alito a déclaré que l’affaire pourrait être assez bien réglée en appliquant scrupuleusement l’Acte de Restauration de la liberté religieuse (RFRA). Cet acte avait été voté pour corriger ou modifier une décision écrite par le juge Scalia, et qui, à mon avis, n’a jamais eu besoin d’être corrigée ; et chaque mise en application de cet acte n’a fait que confirmer combien Scalia avait eu raison.

Mais l’acte RFRA semble avoir bien fonctionné entre les mains habiles d’Alito. Même si nous avions une loi d’« intérêt général » par exemple pour construire des routes ou aménager des terrains de jeux, RFRA inviterait les juges à examiner si cette politique créait une charge supplémentaire pour les religieux. Les juges vérifieraient alors si l’Etat y avait un intérêt irréfutable, et si on ne pourrait pas arriver aux mêmes buts avec des moyens plus étroitement personnalisés.

Parmi les fautes graves de ce programme, il y avait le fait que c’était aux juges de prononcer quelle politique exercée par une législature était plus ou moins obligatoire : Qu’est-ce qui était le plus indispensable, d’avoir, disons plus de collèges publics ou bien de meilleurs soins de santé pour les personnes âgées ?

Dans notre système de gouvernement, nous avions déjà un critère d’« indispensable » : à savoir, le fait pour une législature de penser que ses électeurs sont prêts à soutenir et à payer pour quelque chose comme une université publique et à en faire une loi.

Alito s’est saisi de ce critère, et l’a appliqué avec force de persuasion : la loi sur les soins abordables (Affordable Care Act =ACA) n’a clairement pas prévu que les contraceptifs soient gratuits pour toutes les femmes, et cela « montre sans erreur possible que le Congrès, du moins jusqu’à ce jour, n’a pas trouvé qu’il s’agisse d’un sujet indispensable ».

ACA ne fournit pas de couverture contraceptive aux femmes qui travaillent. Si le Congrès avait pensé qu’il s’agissait d’un besoin indispensable, de rendre la contraception gratuite accessible à toutes les femmes, pourquoi n’a-t-il pas prévu non plus d’en fournir aux femmes qui ne recevaient pas de salaire ?

Comme en ce qui concerne les moyens plus adaptés, la question se résout d’elle-même : et montre ici qu’une plus grande malveillance est à l’œuvre. S’il y avait vraiment une nécessité « indispensable » à fournir des contraceptifs gratuits à toutes les femmes du pays, alors, le gouvernement devrait justement en prendre l’engagement, et lever des fonds pour en couvrir les frais, plutôt que de reporter la responsabilité sur les employeurs, pour répondre à un besoin « indispensable » de la communauté à leurs dépens personnels privés. L’affaire pourrait alors être résolue sans troubler les Petites Sœurs des pauvres.

Comme l’a remarqué le redoutable Mark Rienzi, si le but de la politique publique était de diffuser les contraceptifs dans le pays, les Petites Sœurs des Pauvres seraient un véhicule peu plausible. Et pourtant, pour les « progressistes », étrangement, il ne suffit plus que le programme soit financé par le gouvernement en tant qu’engagement public. Pour eux, il est encore plus exquis, et nécessaire moralement qu’il soit utilisé comme un levier pour humilier, et forcer à se rétracter ces gens religieux insupportables qui présentent une résistance morale des plus sérieuses au programme.

Pour le moment, l’exécution de la loi a été interrompue. Grâce à la Cour, elle n’attend que l’arrivée d’une nouvelle administration de la gauche.