Dans ce monde sans être de ce monde - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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Dans ce monde sans être de ce monde

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Les Disciples d'Emmaus, 1622, Abraham Bloemaert .

Les Disciples d'Emmaus, 1622, Abraham Bloemaert .

Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique

« J’ai manifesté ton nom à ceux que tu as pris hors du monde pour me les donner. Ils t’appartenaient et tu me les as donnés et ils ont gardé ta parole… Et maintenant, je ne serai plus dans le monde, mais ils sont dans le monde tandis que je viens vers toi » (Jean 17:6). Ces versets de la Grand Prière Sacerdotale (le chapitre 17 de Jean) révèlent trois vérités à considérer alors que nous nous acheminons vers la Pentecôte.

Tout d’abord, nous ne sommes pas de ce monde. La prière de Jésus à son Père est : « J’ai manifesté ton nom à ceux que tu as sortis du monde pour me les donner » (Jean 17:6). Il parle premièrement des Apôtres, mais également de nous. Ce n’est pas la seule fois où il parle de cette mise à l’écart du monde. Il en a parlé aux apôtres plus tôt, lors de la Dernière Cène : « Vous n’appartenez pas au monde et je vous ai choisis pour vous ôter du monde » (Jean 15:19). Et de nouveau dans la prière à Son Père : « Ils n’appartiennent plus au monde tout comme que je n’appartiens au monde » (Jean 17:16).

Nous avons peut-être oublié cet aspect « hors du monde » de la vie chrétienne. Nous avons fondé une certaine sécurité et une certaine prospérité dans le monde, alors nous nous y sentons bien et nous cherchons à nous y installer. La science, l’argent, la stabilité et la sécurité tant désirées procurées par le gouvernement. Nous donnons à la science une autorité mystique, comme un peuple primitif vis-à-vis du guérisseur. Nous faisons confiance au pouvoir de l’argent et de l’état pour nous préserver de tous les maux. Nous en faisons des dieux, sacrifiant volontiers pour la sécurité qu’ils peuvent procurer. Comme il était à prévoir, ils en viennent à agir comme des idoles, demandant toujours plus.

Si nous l’avions oublié, la pandémie a mis douloureusement en évidence que nous ne sommes pas de ce monde. La maladie et ses dégâts économiques et politiques ont révélé la fragilité des puissances de ce monde. Ces faux dieux nous ont fait défaut de manière spectaculaire. Et même, par moments, ils ont aggravé le problème. Dans un sens, ce n’est pas leur faute. Nous n’aurions jamais dû attendre d’eux ce qu’ils étaient incapables de fournir.

Plus important encore, nous n’aurions pas dû essayer de nous installer ici-bas. A défaut d’autre chose, la pandémie nous a fait ressentir un éloignement de ce monde – un endroit déchu et fragile, une vallée de larmes. Nous n’avons pas ici de demeure permanente. Plus nous chercherons à nous installer ici, plus nous serons sans racine.

Deuxièmement, il n’est pas suffisant de nous considérer nous-mêmes comme « n’étant pas de ce monde ». Sans la perspective surnaturelle, cette pensée produit un état d’esprit précaire et anticonformiste – une mentalité qui se définit par ce qu’elle n’est pas, qui décide en fonction de son contraire. Une mentalité toujours dans la réaction, jamais dans l’action.

Notez bien la prière de Notre Seigneur : « J’ai manifesté ton nom à ceux que tu m’as donnés en les prenant dans le monde. » Nous sommes sortis de monde parce que nous avons été donnés au Fils par le Père. Notre séparation et notre opposition au monde n’est que secondaire. Ce qui prime, c’est la vérité que nous avons été extraits du monde pour rejoindre l’intimité du Père et du Fils. Nous ne sommes pas tant contre le monde que séparés de lui parce que dans le Christ nous sommes allés plus loin.

Troisièmement, nous sommes toujours dans le monde. « Et maintenant, je ne serai plus dans le monde, mais eux sont dans le monde tandis que je viens vers toi » (Jean 17:11). Bien que nous ne soyons pas de ce monde, ce monde est le théâtre de nos travaux et de nos luttes. Nous ne pouvons pas quitter le monde. C’est un défi fondamental de la foi chrétienne : être dans le monde sans lui appartenir, alors que nous poursuivons notre travail et notre vie en son sein. La tâche consiste à réunir ces deux vérités dans un équilibre satisfaisant.

Notre Seigneur ressuscité nous donne une image de ce qu’est être à la fois hors du monde et dans le monde. Dans ces quarante jours entre Pâques et l’Ascension, Il a clairement montré à Ses disciples qu’Il était tellement donné au Père que le monde ne pouvait pas Le retenir. « Ne me retiens pas car je ne suis pas encore remonté vers le Père » dit-Il à Marie près du tombeau. Bien plus, les limites matérielles du monde ne Le concernent pas. Il va et vient, apparaît et disparaît à Son gré.

En même temps, par la paroles et les actes, Il était très réellement présent dans le monde. « Il leur a montré ses mains et son côté  » (Jean 20:20). « Mets ton doigt ici et vois mes mains, mets ta main dans mon côté » (Jean 20:27). « Regardez mes mains et mes pieds, c’est bien moi. Touchez et voyez, un esprit n’a pas de chair et d’os comme vous voyez que j’en ai » (Luc 24:39). Ce n’était pas un fantôme ou un spectre, mais une présence réelle dans le monde.

L’Évangile de ce dimanche arrive dans un temps particulier et quelque peu négligé dans l’année liturgique : le dimanche entre l’Ascension et la Pentecôte. Considérons l’état d’esprit des disciples rassemblés dans la chambre haute. Venant d’avoir été témoins de l’ascension de leur Seigneur, ils savent qu’ils n’auront plus de chez soi dans ce monde. Lui qui est leur vie les a précédés pour leur préparer une place.

Pourtant, ils ne peuvent se contenter de rester la tête dans les nuages. Il leur a commandé d’attendre « celui que le Père a promis », qui fera d’eux Ses témoins « dans Jérusalem, partout en Judée et en Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre » (Actes 1;4,8). En d’autres mots, pour rester dans ce monde et y travailler.

Nous devrions garder ses vérités à l’esprit alors que nous continuons à nous préparer pour le don de l’Esprit à la Pentecôte. Il vient pour nous sortir de ce monde dans lequel nous sommes, pour que nous soyons à la fois dans le ciel et dans le monde.