Comment ne pas apprendre à propos d’une religion - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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Comment ne pas apprendre à propos d’une religion

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Feuillet 3 de figurines de marionnettes chinoises par un artiste espagnol inconnu (peut-être Juan Llorens), ca. 1850–70.

Feuillet 3 de figurines de marionnettes chinoises par un artiste espagnol inconnu (peut-être Juan Llorens), ca. 1850–70.

[THE MET, New York]

Périodiquement, je me retrouve à vouloir en savoir plus sur les autres religions. Il peut s’agir d’une religion mondiale majeure telle que l’hindouisme, le bouddhisme ou l’islam, ou de quelque chose de plus obscur, comme ce que les mormons détiennent ou les adventistes du septième jour. Je ne suis généralement pas intéressé par une « plongée profonde » dans les écrous et les boulons, plutôt de vagues notions. Mais je veux aussi quelque chose qui rende justice à leurs croyances afin que je puisse mieux comprendre pourquoi ils croient ce qu’ils croient.

Je me tourne parfois vers des livres sur les « religions comparées » ou « les religions du monde », car ces livres sont généralement écrits par des « experts du domaine ». J’ai lu pendant quelque temps sur l’hindouisme ou le confucianisme. Mais alors mes yeux se sont mis à rouler dans leurs orbites, et je me suis demandé pourquoi les gens croient à toutes ces choses étranges et ennuyeuses.

Ensuite, je vais à la section sur le christianisme. Je ne commence pas là parce que je ne vais pas dans de tels livres pour apprendre le christianisme ; je vais à la Bible et aux grands textes de la tradition chrétienne : la Genèse et l’Exode, l’Évangile de Jean et les écrits de Basile, Grégoire, Augustin et d’Aquin.

Lorsque j’ouvre mon manuel sur les « religions du monde » et que je lis la section sur le christianisme, mes yeux se mettent rapidement à rouler et je pourrais me demander pourquoi les gens croient toutes ces trucs bizarres et ennuyeux, si je n’étais pas déjà chrétien. Ce que je dis en fait, c’est : « Qu’est-ce que c’est que ça ? C’est ça ce que ces gens pensent du christianisme ? Quiconque lit ceci n’a que la notion la plus étrange et la plus éloignée de ce que les chrétiens croient ou de ce qui anime leur vie. »

Lire leurs descriptions du christianisme, c’est comme regarder une marionnette fantôme d’un chien. Vous pouvez dire qu’elle « ressemble à un chien » – si vous savez à quoi ressemble réellement un chien. Mais si vous commencez par regarder la marionnette fantôme, puis cherchez quelque chose qui « ressemble » à cela, en pensant « je sais ce qu’est un chien », vous aurez plus tort que raison. Et vous ne comprendrez certainement jamais pourquoi les gens aiment leurs chiens.

J’ai eu des conversations avec des amis d’autres traditions religieuses qui déclarent avoir eu la même expérience. Ils ont lu la description de leur religion et leur réaction est : « C’est cela que nous croyons ? Bon, en quelque sorte. Mais pas exactement. » C’est comme entendre une personne qui parle une autre langue utiliser une expression familière en anglais qui ne va pas très bien. « Je vais faire des coups de pied dans les fesses » n’est pas vraiment la même chose que « Je vais te botter les fesses ! » J’ai entendu un jour un Français dire à son ami belge : « Êtes-vous dans la photo là-dessus ? » C’est un peu comme quelque chose que nous disons, mais pas tout à fait.

La lecture de ces descriptions est également un peu comme l’expérience qu’a eue une amie latino qui a assisté à un cours sur « la culture et la spiritualité hispaniques ». Le professeur n’arrêtait pas de dire aux collégiens majoritairement blancs ce que croient les « Hispaniques » et à quoi ressemble la culture hispanique. Elle, une véritable Hispanique, se demandait pourquoi rien de tout cela ne ressemblait à quoi que ce soit qu’elle eût vécu dans sa grande famille élargie ou sa vaste communauté hispanique. Certes, il y a différentes façons d’être « Hispanique », mais quand vous allez à un cours sur votre propre peuple, cela ne devrait pas être comme entendre parler d’une race étrange d’une autre planète. Et c’est souvent à cela que ressemble la lecture de ces livres sur le christianisme.

Donc, si nous tous, de toutes les religions, disons : « Ce n’est pas ma religion ; cette description n’a pas saisi le cœur de ce que nous croyons ou de ce pourquoi elle anime nos vies », alors qu’enseignent de tels livres ?

Vraiment, je ne sais pas. Mais je crains que l’effet ne soit le manque d’un réel respect pour toutes les religions. Le message est le suivant : voici une douzaine de façons différentes dont les gens peuvent penser la religion, mais il n’y a aucune bonne raison d’accepter l’une d’elles, autre que votre propre choix autonome. Sur le marché des religions, laquelle choisissez-vous ? Ou préférez-vous prendre un peu dans la colonne A, certaines choses de la colonne B, et peut-être quelques notions de la colonne C ?

Ce que les gens qui lisent de tels livres devraient comprendre, c’est que très peu des adeptes des religions sur lesquelles ils lisent (peut-être aucun des croyants authentiques) « ont choisi » leur religion de cette façon. C’est plutôt elle qui les a choisis, eux. Ils se vus comme « appelés » par une vérité plus grande qu’eux. Et accepter cette vérité les a conduits à une vie plus authentique, une vie avec du sens et de la bonté. Ce n’était pas un assortiment dans lequel ils ont sélectionné ce qui avait l’air savoureux.

Les gens qui ont essayé de nombreuses religions ne comprennent probablement pas grand-chose à aucune d’entre elles – pas de la façon dont vous connaissez quelque chose que vous aimez, quelque chose de profondément émouvant et significatif. Il est bon de « se familiariser » avec une religion. Simplement, ne dites pas que vous « connaissez » une religion si vous vous en tenez à l’écart et l’examinez comme vous examineriez une voiture que vous envisagez d’acheter. « J’aime celle-ci, mais avec des pneus différents et en jaune. » Traiter une religion de cette façon, c’est mal comprendre ce qu’est la « foi » pour ceux qui l’ont et qui y ont consacré leur vie.

Si vous voulez comprendre une tradition religieuse et la prendre au sérieux, commencez par la recevoir de ceux qui y ont consacré leur vie. Et deuxièmement, examinez-la comme une série de réponses aux « questions fondamentales » que saint Jean-Paul II mentionne dans les premiers paragraphes de son encyclique Fides et Ratio : Qui suis-je ? D’où viens-je ? Où vais-je? Qu’en est-il de la souffrance, de la mort et de l’au-delà ? Quelle est la nature de la personne humaine et de l’épanouissement humain ? Ce sont des questions que nous devons poser à toute tradition religieuse ou philosophique – y compris la nôtre.

Mais nous devons traiter les autres traditions avec le respect avec lequel nous souhaiterions qu’elles traitassent les nôtres. Le problème avec les traitements profanes modernes de la religion est que, bien qu’ils prétendent offrir un plus grand respect pour chaque religion, ils engendrent souvent une sorte d’irrespect de dilettante – pour chacune d’elles.

[(À propos de l’auteur

Randall B. Smith est professeur titulaire de théologie. Son livre Reading the Sermons of Thomas Aquinas: A Guidebook for Beginners (« Lire les sermons de Thomas d’Aquin : Un guide pour les débutants ») est disponible auprès d’Emmaüs Presse. Et son livre Aquinas, Bonaventure, and the Scholastic Culture at Paris: Preaching, Prologues, and Biblical Commentary (« D’Aquin, Bonaventure, et la culture scolastique à Paris : prédication, prologues, et commentaire biblique ») doit sortir de Cambridge University Press à l’automne.)]