Je l’ai reconnu quand je l’ai vu - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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Je l’ai reconnu quand je l’ai vu

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La conversion de Saint Paul, Luca Giordano

La conversion de Saint Paul, Luca Giordano

Musée des Beaux-Arts de Nancy.

Mon ami (et collègue dans les contributions à TCT) Michael Pakaluk a publié récemment ici un article intitulé « Oui, je redeviendrais catholique ». Cela m’a fait réfléchir à ma propre décision, à l’âge de 25 ans, de rejoindre la foi catholique (et d’y rester).

J’étais ce que l’on pourrait appeler par charité un jeune augustinien. Ceci se réfère au célèbre Père de l’Église auteur des Confessions, qui, quoique né d’une mère chrétienne, est demeuré sans être baptisé jusqu’à sa conversion à l’âge de 33 ans. Le récit qu’a écrit saint Augustin de sa vie (et de ses péchés) est brillant, bien qu’il ait laissé beaucoup de choses non dites. En tous cas, étant païen, il avait besoin de vengeance – jusqu’à ce que cela lui passe.

On pourrait dire la même chose de moi, en encore plus marqué, même si, étant bébé, j’avais été baptisé ;

Pour moi, la meilleure définition du summum bonum de la vie, depuis le début de mon adolescence, jusqu’à ce que je rejoigne l’Église, se trouve dans la phrase rendue célèbre par Alexandre Dumas : « Cherchez la femme. »1

Mon père était professeur de marketing dans l’État de l’Ohio, apprécié par ses élèves masculins pour son enseignement sur « Playboy ». D’un point de vue académique, mon papa était fasciné par le succès du magazine et du modèle commercial d’Hugh Hefner. Il lisait les séries de Hefner : « La philosophie du Playboy » (1962 – 65) et traitait les bavardages libertaires de Hef, de version moderne d’Epicure. Mon père achetait des exemplaires de ce magazine dans le kiosque à journaux, et quand il en avait terminé l’étude, il les empilait à l’abri de la vue de son adolescent de fils, dans un panier que ma mère avait recouvert d’un joli tissu à fleurs.

Mais il n’y avait pas de serrure au panier, aussi ai-je commencé à « lire » le magazine dès l’âge de 15 ans.

Pour rendre justice au docteur Miner, son intérêt dans Playboy ne résidait pas vraiment dans les vues de Hefner sur la « libération sexuelle » et son rejet de « l’Éthique puritaine » – à propos de quoi Hefner était passablement obsédé – mais plutôt dans le rôle que jouait la « philosophie » pour l’aider à créer un espace moral et légal pour faire régner de son magazine.

Ainsi, papa était fasciné par le cas de SCOTUS, récent à l’époque, dans le procès : Jacobellis contre Ohio, dans lequel, un propriétaire de théâtre qui avait mis à l’affiche un film français, avait été exonéré de l‘accusation d’obscénité. Le jugement du juge Potter Stewart contenait la citation fameuse (ou infâme) : « Aujourd’hui, je ne chercherai pas à définir davantage le genre de choses dont je pense qu’il s’agit ici… (une) description abrégée (d’obscénités) ; et peut-être n’arriverai-je jamais à le faire intelligemment. Mais quand je le vois, je le reconnais. » Tous les juges ont sagement acquiescé à ce que « la pornographie dure » ne puisse jamais être tolérée. Bien.

En fait, j’en étais arrivé à croire en Dieu avant de devenir catholique. J’étais allé à l’école du dimanche chez les méthodistes, et j’avais été confirmé, mais – bien que j’aie eu de l’affection pour Jésus – je trouvais l’Église assommante. Et pourtant, je lisais la Bible et la trouvais fascinante. En dépit de ce à quoi je croyais, il y avait ces histoires ridicules de gens qui vivaient il y a presque mille ans, et un homme qui s’était relevé de sa tombe, le Vrai Livre semblait quand même posséder une autorité irréfutable.

Pour un cours universitaire, je me suis procuré un exemplaire de « La Bible Historique » de Werner Keller, et cela m’a paru tout à fait juste : Le Vrai livre était un livre de vérité.

Je suis brièvement passé par le scepticisme.

Mais un jour tandis que je marchais dans la rue, un pied devant l’autre, lors d’une foulée, j’étais agnostique, la foulée suivante, j’ai senti Sa Présence.

Toutefois, cela n’a pas interrompu l’inertie de mon néo-épicurisme.

Et puis mon père est mort subitement. Il avait 54 ans.

J’étais déjà dans une espèce de vrille, moralement et intellectuellement, et la mort de papa m’a fait réaliser l’inconséquence de ma vie non seulement décevante, comme cela avait été le cas pour nous deux, mais en fait, dangereuse. La cloche avait sonné pour lui, mais je savais qu’elle sonnait pour moi aussi.

J’ai été jeté à terre de mon cheval, mais ce n’est pas cela qui m’a ramené au Christ et à son Église catholique.

J’ai déménagé jusqu’en Californie, vivais dans un petit appartement sur le front de mer, et me rendais régulièrement dans une librairie spécialisée dans des livres « spirituels ».

L’idée du néant m’attirait et j’avais commencé à lire des livres sur le Zen, que je trouvais savoureux, mais pas nourrissants. J’ai acheté un livre intitulé Maîtres en mystique et en Zen par Thomas Merton, et le vendeur du magasin me dit que je devrais me procurer son autobiographie, « La nuit privée d’étoiles » un autre récit d’un jeune homme très augustinien.

Merton a également éveillé en moi des souvenirs d’un voyage d’un mois en Europe que j’avais fait l’été précédent ma dernière année d’université. J’avais été impressionné par les églises catholiques de Paris, de Rome, de Florence, et de Vienne, et par la musique, et dans les musées, j’avais vu la gloire et la beauté de l’art catholique.

J’ai commencé à lire tout ce que je pouvais acheter, demander ou emprunter à propos du catholicisme, et la chose qui m’a fait franchir le Rubicon, fut la doctrine de l’Incarnation.

Je suis sûr que le pasteur de l’Église méthodiste unifiée de Worthington dans l’Ohio (qui repose en paix depuis longtemps) protesterait que l’Incarnation m’y avait également été enseignée. Nous récitions le Symbole des apôtres, donc ce doit être de ma faute si j’en suis parti convaincu que Jésus était le fils de Dieu de la même façon qu’Apollon était le fils de Zeus : Touché par la divinité, mais pas divin.

Je ne peux pas me souvenir d’un seul protestant m’ayant jamais dit : « Jésus est Dieu ».

Mais maintenant je savais pourquoi les églises catholiques avaient des prie-Dieu, et pourquoi les fidèles – de toutes couleurs et de toutes nations – faisaient une génuflexion devant le tabernacle. Dans les églises de ma jeunesse c’était : « Nous verrons Dieu au ciel » ; dans une église Catholique, c’est : « Dieu est là ».

J’ai pas mal bataillé avec le prête qui a accepté de m’instruire dans le catéchisme, spécialement sur ce que je considérais comme l’injustice de l’enfer.

À cette difficulté, le prêtre a répondu :

« Dis-le à Jésus ».

« Vous voulez dire dans la prière ? »

« Certainement, mais je veux surtout dire que tu dois chercher les réponses à ce genre de question en regardant Jésus. C’est Lui qui a parlé de l’enfer plus que quiconque dans les écritures, et Lui qui est, par-dessus tout, la personnification de l’amour et de la justice. Parfois, la seule réponse est de croire en Lui ».

Je reste un pécheur, mais du moins, j’ai reconnu la Vérité quand je l’ai vue.

  1. En français dans le texte.