Il semble que nous ayons tourné la page du coronavirus et les gens commencent à penser à « rouvrir » la société. Tout cela, bien sûr, est tout à fait bienvenu mais cela devrait nous conduire à réfléchir profondément – et franchement – à ce que cela va impliquer pour nous de « rouvrir » l’Église.
Si les lecteurs des web sites authentiquement catholiques (tels que TCT) étaient les seuls catholiques qui existaient, nous pourrions être certains que pratiquement tous les fidèles retourneraient à la messe aussitôt que la suspension serait levée. L’angoisse causée par la perte temporaire des sacrements a été palpable dans le monde entier. Une telle détresse venant du fond du coeur indique un peuple qui aime le Seigneur, et une Église qui brûle d’un zèle évangélique.
Avoir besoin de l’eucharistie. Oui, mais un examen rapide montre que les deux tiers des catholiques ne savent même pas de quoi il s’agit. Pourquoi s’exciter pour la perte d’un simple « symbole » de Jésus? La participation aux autres sacrements a été aussi en déclin régulier, et ils ont été trop souvent recherchés non avec le ,désir brûlant d’être sauvés, mais dans une indifférence désinvolte : les sacrements ont été réduits à des rites de passage, comme le passage du jardin d’enfants et l’acquisition du premier smartphone.
Il est donc juste de se demander ceci : des 25% de catholiques qui assistaient à la messe régulièrement avant le coronavirus, combien vont retourner à la messe quand ils le pourront.
Considérons la messe de 10.30 dans une paroisse classique. Y sont certainement présents beaucoup de parents qui croient sincèrement et font de leur mieux pour élever leurs enfants dans la foi. Ils reviendront quand le temps sera venu. Mais il y a aussi beaucoup de parents dont la foi n’a pas de racines profondes, ce qui est dû à la médiocrité de la catéchèse qu’ils ont reçue, et qui pensent qu’aller à l’église est une bonne chose, mais pas essentielle. En dehors d’une heure le dimanche, leurs vies sont devenues complètement séculières : on ne fait presque jamais mention de Dieu dans leur travail, à l’école de leurs enfants ou dans les media.
Il est beaucoup trop facile, dans cet environnement, de perdre la trace de Dieu. Et c’est ce qui arrive à beaucoup. Maintenant, avec la messe qui leur est retirée et l’établissement d’une nouvelle routine pour le dimanche, comment, au niveau spirituel, leurs vies ont-elles changé? Pas beaucoup probablement. Dans la mesure où ils ne comprenent pas pleinement la messe, ils vont se conformer avec ce qu’ils ressentent. « Je ne sens pas aucun manque, alors pourquoi retourner ? »
Deuxièmement, considérons les adolescents et les jeunes adultes qui ont tendance à regarder la religion à travers les lentilles de la légalité. Pendant leur vie entire, ils ont entendu dire qu’il fallait aller à la messe le dimanche : »C’est la loi de Dieu ». Et soudain, ils apprennent qu’ils ne doivent pas aller à la messe ; que l’assistance est réglée non par Dieu mais par les évêques. Quand la contagion disparaît, qu’est-ce que nous sommes supposés leur dire pour les convaincre d’y retourner ? « Les évêques disent que nous devons retourner à la messe. » Étant donné le bas niveau de l’opinion sur les évêques américains actuellement, nous pouvons deviner comment cette conversation va tourner.
Troisièmement, considérons tous les catholiques américains, jeunes et vieux, qui vivent dans une culture qui exalte l’individu comme le seul absolu. Règles, formalités et institutions sont perçues comme des obstacles à la liberté individuelle. Pendant des décennies, l’Église a eu à combattre les approches individualistes de Dieu. « Je suis spirituel, non religieux. Je peux prier Dieu partout et n’ai pas besoin d’être dans une église. J’adore Dieu comme je sens et selon mes conditions ».
Après avoir peut-être pendant des mois pressé le people d’ »observer le Sabbat de quelque façon », selon un choix propre et individuel, l’Église va-t-elle pouvoir convaincre le peuple de revenit ? Ou l’Église a-t-elle, sans le savoir, nourri la bête insatiable de l’individualisme. « Pourquoi devrais-je aller à l’église maintenant si pendant des mois c’était très bien de la regarder sur You Tube. »
Il est possible que, plutôt que de déclencher un exode permanent, le coronavirus pousse les gens, par peur, à retourner à la messe, y compris ceux qui restaient chez eux dès avant le déclenchement du virus. Nous pouvons prier pour cela et l’espérer. Mais considérant comment les merveilleux mystères de la foi ont été, pour trois générations de catholiques, transformés en auto-affirmation dépourvue d’inspiration, – et c’est ce que ceux qui cherchent vont probablement trouver – les chances sont plutôt du côté de l’exode.
Si après la reprise des messes, davantage de catholiques rejoignent les rangs des non-pratiquants, allons-nous voir la prédiction — qui date d’un demi-siècle — du père Joseph Ratzinger porter ses fruits : que l’Église deviendra plus petite mais plus pure. Il aurait raison pour le premier point. Et si grand que soit le désir que nous avons du second – une Église remplie de combattants de prière et d’anges de charité, spécialement après deux décennies de la pire espèce de scandales – cela nous demandera de faire de très sérieux efforts pour redécouvrir la vitalité et l’exigence necessaire pour accomplir la mission de l’Église, apporter le Christ à tous.
La conversion est rarement instantanée. Pour certains d’entre nous cela prend des années et même toute une vie pour la « trouver ». L’Église est à la fois le moyen de rédemption et le peuple qui doit être racheté. Le peuple de Dieu va de ceux dont les vies sont un complet désordre jusqu’à ceux qui vivent en saints parmi nous.
Mais nous catholiques avons l’habitude de faire face à la mauvaise fortune. Le catholicisme post-covid-19 ne paraît pas prometteur pour ce qui est de la pratique religieuse mais l’état du monde a-t-il jamais paru bon pour l’Église? Pourtant, comme cela est arrivé maintes fois dans l’histoire, les crises dans le monde ont inspiré des renouveaux dans l’Église.
Ainsi est-ce à nous de jouer – lecteurs engagés dans les sites catholiques comme celui-ci – armés des armes de la prière et de la charité, pour prendre l’initiative à un moment comme celui-ci. Au moment d’émerger de cette claustration qui nous a appris un amour plus profond de l’eucharistie, nous devons fournir des témoignages nouveaux et plus forts et faire que l’Église soit non seulement plus pure, mais plus vaste – l’instrument universel du salut que le Christ a voulu qu’elle soit.
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[(À propos de l’auteur
David G. Bonagura Junior enseigne à la St. Joseph’s Seminary, New York. Il est l’auteur de Steadfast in Faith: Catholicism and the Challenges of Secularism [« Inébranlable dans la foi : le catholicisme et les défis du sécularisme »] (Cluny Media).)]
Pour aller plus loin :
- 5 - Ces sacrements qui nous divinisent
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE « AFRICAE MUNUS » DU PAPE BENOÎT XVI
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- LA « MODERNITÉ » : UN CENTENAIRE OUBLIÉ