Il se trouve que la semaine dernière, les restrictions de confinement ont été pratiquement toutes levées en Italie. Les magasins, les restaurants, les cafés, etc… réouvrent. Les italiens peuvent maintenant voir leurs amis, leurs familles et leurs collègues librement, avec quelques restrictions locales exercées dans chaque région. Les églises sont aussi dans la « phase 2 » de déconfinement. Dans l’une des plus anciennes basiliques de Rome, Sainte Marie en Trastevere, construite au 4e siècle, la première messe vient d’être célébrée après presque trois mois de confinement national.
Une pancarte à l’entrée de l’église, prévient toutefois que ceux qui ont une fièvre de 37,5 (99,5 F.) ou plus, des symptômes de grippe, ou ceux qui ont été en contact avec une personne positive au covid-19, ne peuvent pas entrer. Pour tous les autres, un masque, une désinfection des mains, et une distance d’un mètre sont les conditions d’entrée.
On aurait pu s’attendre à ce qu’après des semaines d’un confinement obligatoire, la première messe après la réouverture aurait attiré de nombreux fidèles, revenus à leur place pour se recueillir, surtout dans l’une des plus proéminentes basiliques de Rome. Mais il n’y avait qu’une cinquantaine de personnes dans l’assistance, cinq d’entre elles étant des religieuses. Tous les bancs avaient été retirés dans un but de distanciation sociale. Des chaises à un mètre ou plus les unes des autres étaient disposées avec soin dans l’intérieur de l’église.
« Les gens ont encore peur, même de revenir vers Dieu » dit une femme qui avait l’habitude de fréquenter régulièrement la basilique. « Personnellement, je pense que l’Église a été très secourable pendant cette crise. Et, ajouta-t-elle, cela allait du service intérieur au service extérieur. »
Les églises ont été parmi les premières institutions à être mises en quarantaine en Italie. Les évêques italiens ont été relativement silencieux au début ; et leur passivité face aux restrictions du gouvernement a généré toute une polémique. Mais le silence initial a changé quand le clergé a commencé à compenser, non seulement en organisant des messes en streaming sur le web, et en demeurant en contact virtuel avec ses fidèles, mais aussi en participant activement aux services dans la communauté.
Sur la place devant Sainte Marie en Trastevere par exemple, de copieux petits déjeuners sont organisés trois fois par semaine pour ceux qui sont dans le besoin. Avant la pandémie, se présentaient environ quatre vingt dix personnes. Ce nombre a plus que doublé. Un volontaire a expliqué : « Les gens viennent de l’extérieur de Rome, par le train, juste pour avoir un petit déjeuner et nos paniers-repas. »
L’église fournit des jus de fruits, de la confiture, du pain, des biscuits, du café et du thé, ainsi que des repas pour les gens qui retournent chez eux. Initialement, la plupart des gens dans le besoin étaient sans domicile. Maintenant, il y en a beaucoup qui se battent contre la pauvreté, ou qui ont perdu leur travail pendant la pandémie. Les volontaires aussi se sont multipliés ; de nombreux journalistes, qui au début, venaient pour faire un reportage sur la charité, aident maintenant régulièrement.
Les volontaires aussi doivent subir une surveillance stricte de la part de l’église, qui vérifie leur température pour être sûre qu’ils n’ont pas de fièvre. Ils doivent se désinfecter les mains, utiliser des gants, pratiquer la distanciation sociale, et porter des masques. Et l’église est elle-même soumise régulièrement à une désinfection stricte. Les chaises sont désinfectées avant et après que quelqu’un s’y soit assis, et quatre fois par semaine toute l’église est vaporisée de désinfectant.
Nous avons acheté tout cet équipement nous-mêmes ; nous sommes plus stérilisés en tant qu’église que beaucoup de supermarchés », m’a dit Don Marco Gnavi, curé de la basilique. Pour garder rester centré sur l’aide aux personnes et la lutte contre le virus, il s’est abstenu de commenter le fait de savoir pourquoi les endroits où l’on prie, contrairement aux supermarchés, n’ont pas été autorisées à demeurer ouverts pendant le confinement.
Néanmoins, un assistant de la paroisse a dit que certains règlements imposés par les autorités du gouvernement n’avaient pas beaucoup de sens. Par exemple, 200 personnes seulement sont autorisées à entrer dans une église pour la messe, alors même que certaines églises peuvent en recevoir beaucoup plus. Sainte Marie en Trastevere, par exemple, a de la place pour au moins 250 personne, même en respectant la distance de 1 mètre ou plus entre les chaises. Et ceci n’est rien en comparaison d’un bâtiment aussi massif que la basilique Saint Pierre.
Tout ceci n’est que du détail cependant, auquel le clergé est prêt à s’accommoder – du moins pour le moment – pour permettre que la réouverture des messes se passe aussi bien que possible.
Lors de la célébration de la première messe, les photographes couraient ostensiblement dans tous les sens en essayant de prendre les meilleures photos – surtout quand les prêtres, portant des gants, distribuaient la communion. Habituellement, les fidèles reçoivent la communion en faisant la queue devant l’autel. Dans la situation actuelle, les prêtres se sont déplacés parmi les fidèles qui restaient assis, bien espacés les uns des autres sur leurs chaises.
Le changement montre que les chefs de l’Église se sentent maintenant responsables de se mettre au service du bien commun des laïcs. En fait, le « bien commun » est une expression qu’on emploie habituellement quand les gens parlent de restrictions.
« Nous avons une responsabilité collective d’être prudents et de protéger ceux qui sont les plus fragiles, dans la perspective du bien commun » m’a dit don Marco Gnavi. Quand je lui ai demandé ce qu’il pensait des critiques qu’a reçues l’Église pour n’être pas restée ouverte, il m’a répondu « La foi est audacieuse, mais elle n’est pas fataliste ni présomptueuse. »
Don Marco fait référence à Saint Luc, évangéliste et médecin, comme contre-exemple face à la fausse dichotomie entre la science et la religion, souvent utilisée pour déclarer que l’Église devrait se rebeller contre les autorités scientifiques. « Jésus a guéri des malades ; il n’a jamais dit qu’on devrait ignorer la maladie. »
Les églises italiennes, comme les églises d’autres pays, ont été forcées de devenir une présence virtuelle pendant le confinement. Que cela ait été nécessaire, ou un excès de précautions, cela peut être discuté, et devra être résolu quand le virus aura cédé et que nous pourrons nous faire une meilleure image de ce qu’il est ou n’est pas.
Mais maintenant les églises réouvrent avec un fort sens de devoir civique et une capacité démontrée de s’adapter dans l’accomplissement de leur mission divine, même au milieu d’une pandémie.
Pour aller plus loin :
- La France et le cœur de Jésus et Marie
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Jean-Paul Hyvernat
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010